Confirmation de l’interdiction des néonicotinoïdes : une grande victoire qui en augure d’autres

12 mai 2021

Saisie par la société Bayer qui les fabrique, la Cour de justice de l’Union européenne a définitivement validé le 6 mai l’interdiction de trois insecticides néonicotinoïdes prise par la Commission européenne en 2013. En justifiant sa décision par l’application du principe de précaution elle ouvre la voie à d’autres victoires à venir pour la défense de l’environnement.

Cette décision qui se fonde sur le principe de précaution et qui justifie l’adoption de mesures restrictives pour protéger notre bien commun les abeilles est une victoire des défenseurs de la biodiversité et de la protection des abeilles face à l’agro-industrie et la chimie. En confirmant la décision de la Commission en faveur de l’environnement et de la sauvegarde des abeilles et de la biodiversité, elle permet à des considérations environnementales et d’intérêt public de l’emporter sur l’économie du passé. Elle confirme par ailleurs que les néonicotinoïdes ne sont plus indispensables et que les trop nombreuses dérogations prises par les États européens dont la France pour les autoriser temporairement sont irresponsables et dangereuses. Nous en avions d’ailleurs parlé récemment à l’occasion d’un webinaire « En finir (enfin) avec les néonicotinoïdes ».

L’origine de cette procédure

Suite à l’utilisation de 3 néonicotinoïdes (clothianidine, l’imidaclopride, la thiaméthoxame) ayant causés des pertes de colonies d’abeilles mellifères et à la publication d’études montrant les effets de ces produits phytopharmaceutiques sur les abeilles, la Commission a en 2011 et 2012 demandé à l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) d’évaluer ces études et de mettre à jour les évaluations des risques associés à ces 3 substances en ce qui concerne leurs effets sur le développement et la survie des colonies d’abeilles.

Les conclusions de l’EFSA ont indiqué que les futures évaluations des risques pour les abeilles devaient être améliorées et que l’emploi de ces trois néonicotinoïdes comportait des risques élevés sur les abeilles (exposition à des poussières d’enrobage de certaines semences, à des résidus dans le nectar et pollen, à la guttation). Par ailleurs les mêmes conclusions pointaient de nombreuses zones d’incertitude dues au défaut de données scientifiques.

Dans ce contexte et conformément au Règlement 1107/2013 sur la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, la Commission a procédé à un réexamen de l’approbation de ces 3 néonicotinoïdes. Cela l’a amené à adopter un règlement (le 24 mai 2013) introduisant un certain nombre de restrictions quant à l’usage de ces 3 substances (interdiction des utilisations dans le traitement des semences, des sols et de traitements foliaires pour certaines cultures, interdiction chez les non professionnels). C’est ce règlement de la Commission qui a fait l’objet d’un premier recours en annulation en première instance devant le Tribunal de l’Union européenne et qui l’a rejeté dans son arrêt du 17 mai 2018.

Dans un second temps les requérants alors se sont pourvu devant la CJUE (1ère chambre) en demandant l’annulation de l’arrêt du Tribunal.

La décision de la CJUE du 06 mai 2021

Cet arrêt déboute Bayer et donne raison aux défenseurs de l’environnement des abeilles et de ceux qui défendent une agriculture et un système alimentaire durables 

 Il met face à face deux parties qui ont des visions politiques diamétralement opposées :

  • Les tenants de l’agro-industrie : Bayer Crop Science AG le requérant soutenu par l’Association Générale de Producteurs de Maïs (AGPM section de la FNSEA), L’Association européenne pour le Protection des Cultures (ECPA) ; L’Association des Semenciers Européens (ESA), The National Farmer’s Union (FNSEA anglaise) ; Agricultural Industries Confederation
  • Les défenseurs de l’environnement des abeilles :  La Commission européenne la défendresse soutenue par l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF), Pesticides Action Network Europe (PAN Europe), Bee Life, Stichting Greenpeace Council (Greenpeace), Stichting De Bijenstichting (Pays Bas), Deutscher Berufs-und Erwerbsimkerbund eV (Allemagne) Osterreichischer Erwerbsimkerbund (Autriche), Buglife- The Invertebrate Conservation Trust, Le Royaume de Suède

Une application du Règlement 1107/2013 sur la mise sur le marché des pesticides, valorisant l’environnement  

  • Le réexamen d’une substance actives présente sur le marché peut se faire à tout moment
  • Le principe de précaution s’applique lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé et l’environnement : il permet de prendre des mesures restrictives.
  • La présence d’indices sérieux suffit pour prendre des mesures restrictives
  • Respect de critères d’approbation d’une substance active protégeant les abeilles
  • Examen comparatifs des avantages et des charges justifiant l’adoption ou pas de mesures restrictives de la Commission : la Commission fait bien prévaloir des considérations non économiques en l’occurrence l’environnement.
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