Une justice d’exception n’a pas sa place dans une Europe d’État de droit

26 septembre 2013
Lors de la visite au Centre de Rétention de Mesnil-Amelot n°3 le 13 mai dernier, Hélène Flautre dressait un constat accablant. Aux inquiétudes sur la vétusté des lieux, le droit de recours des retenus et leur santé, s’ajoutait le projet lancé sous l’ère Sarkozy : l’annexe du Tribunal de Grande Instance de Meaux, censée accueillir les audiences des retenus des CRA de Mesnil-Amelot, dont l’ouverture est prévue fin septembre. En décembre, ce sera au tour de la salle d’audience de Roissy, en annexe du TGI de Bobigny. L’annonce de ces ouvertures inquiète sur la capacité du gouvernement à tourner la page d’une politique stigmatisante qui a fait de l’étranger la figure du bouc émissaire à reléguer aux marges de la société.

Une justice d’exception, réservée aux étrangers et à l’abri des regards, n’a pas sa place dans une Europe de la justice respectueuse de ses valeurs: la justice doit être la même pour tous, quel que soit le statut administratif de la personne concernée. Le droit européen est à cet égard très clair. La Convention européenne des Droits de l’Homme exige un procès équitable, la publicité des débats, et que les droits de la défense et l’indépendance des juges soient garantis. La Charte européenne des droits fondamentaux reprend ces mêmes principes. C’est pourquoi la Commission européenne sera invitée à examiner la conformité de telles pratiques avec le droit. Le gouvernement doit urgemment se débarrasser des stigmates de la politique migratoire développée par l’ancienne majorité et sortir les questions migratoires de la nasse sécuritaire et discriminatoire dans laquelle elles sont piégées.

Quant à l’argument budgétaire, certes des économies pourront être faites sur les effectifs policiers qui escortent les retenus aux TGI, mais quand seront donc amortis les 2,7 millions d’euros utilisés pour la seule salle de Roissy ? C’est sans parler du coût propre de la rétention, qui, rappelons-le, libère in fine 3 retenus sur 4.
Enfin, il faut mentionner le coût humain d’une telle politique. L’argument fallacieux selon lequel cette délocalisation des salles d’audience améliorerait le traitement des personnes retenues ne tient pas. Le mélange des genres entre police et justice menace sérieusement le crédit de l’institution judiciaire. Faut-il rappeler qu’une majorité des retenus résident depuis des années en France, avec famille, travail et feuille d’impôt. Ajoutée à la rétention, cette justice d’exception rompt la confiance des citoyens dans l’État de droit et l’égalité républicaine.

C’est pourquoi la Garde des Sceaux doit instamment revenir sur l’ouverture de ces deux salles d’audience, sans quoi la crédibilité de la justice serait profondément remise en cause.

Voici la lettre envoyée par Hélène Flautre à la Garde des Sceaux à ce sujet:

LettreTaubira 24092013 2.pdf

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