Les Tartuffe de l’Europe n’auront pas le dernier mot
Le 7 février, au Parlement européen, la droite soi-disant europhile s’est alliée aux europhobes pour rejeter le principe des listes transnationales. Leur objectif : éviter la mise en place d’une politique fiscale, sociale ou environnementale à l’échelle continentale. Mais le combat démocratique continue. Une tribune de Pascal DURAND publiée par Le Nouveau Magazine Littéraire.
Il est peu probable que les 368 députés européens qui, lors d’un vote solennel au Parlement européen le 7 février, ont rejeté la création des listes transnationales pour les futures élections européennes aient lu l’ouvrage d’Albert Hirschman « Deux siècles de rhétoriques réactionnaires ». Pourtant, ils ont appliqué à la lettre ses théories. L’économiste américain y décrypte les argumentaires utilisés par les forces conservatrices pour s’opposer à tout progrès social ou politique. Invariablement, observe-t-il, ces forces dénigrent chaque avancée en raillant son inanité, son effet pervers ou le recul qu’elle engendrerait.
Le plus remarquable, c’est que ce dernier vote n’est pas simplement le fruit d’une coalition des xénophobes, des eurosceptiques et des nationalistes de tous bords, mais bien la jonction d’une droite prétendument pro-européenne avec ceux qui veulent entourer leurs frontières nationales de murs et de barbelés et brise l’Union. Sans le moindre sentiment de honte ou de contradiction, ceux qui, jour après jour, au nom de la liberté du commerce et de la libre concurrence, s’affranchissent des frontières nationales pour que circulent librement finance, biens, services ou travailleurs, n’hésitent pas à les renforcer, dès lors qu’une avancée démocratique menacerait leurs petites boutiques.
La disparition des 73 sièges britanniques en mars 2019 offrait pourtant l’opportunité, sans porter atteinte aux représentations nationales, de créer des listes transnationales pour les élections européennes. Ces listes, qui dépasseraient les frontières, auraient permis à des mouvements européens de défendre un programme et un projet identiques dans tous les pays de l’Union. Indépendamment des nationalités de celles et ceux qui les portent. Il s’agissait de faire écho, par cette circonscription commune, à l’espace unique continental à l’échelle duquel peuvent se résoudre les problématiques climatique et environnementale, de santé, d’alimentation, d’énergie, de mobilité, d’industrie, du numérique ou de diplomatie. N’est-ce pas à cet échelon que les multinationales opèrent ? Y a-t-il un ressort pour établir des régulations fiscales et financières ? A ce niveau, chacun le sait ou le devine, pourraient être mises en place les mesures sociales et de solidarité, ainsi que l’accueil digne de millions d’êtres humains qui fuient souffrance, misère et persécution.
On pouvait s’attendre à un vote d’enthousiasme
Il s’agissait d’un premier pas, symbolique mais réel, vers la construction d’un parlement directement représentatif d’une Europe politique. C’est-à-dire d’une communauté originale, au delà de la simple addition des nations qui la compose. Les listes transnationales faisaient sauter les verrous de l’exclusivité de la représentation politique nationale, souvent obsolète et discréditée. Elles obligeaient des mouvements de toute l’Europe à se fédérer pour repenser un destin commun et se réapproprier un imaginaire collectif. Dès lors que les groupes politiques « pro-européens » sont très largement majoritaires au Parlement européen, on pouvait s’attendre à un vote d’enthousiasme, d’autant plus facile à accepter que la modification, de portée réduite, concernait moins de 5% du futur Parlement.
La suite de la tribune sur le site du Nouveau Magazine Littéraire : http://bit.ly/2ESxOM6