Les Verts et la crise financière

13 octobre 2008
Questions réponses réalisé par Pascal Canfin, responsable de la commission Economie. Les propositions reprennent la déclaration du Parti vert européen du 12 octobre 2008. Ce texte a vocation à être enrichi d’autres questions… et d’autres réponses.
Que disent les Verts sur la crise financière ?

Cette crise est une crise financière mais c’est aussi une crise des politiques qui ont abouti à cette situation. La libéralisation des marchés financiers, la place folle prise par la finance dans l’économie n’est pas tombée du ciel. Elle est le résultat de décisions politiques prises majoritairement par la droite, mais aussi malheureusement par la gauche, depuis les années 80. L’argent présent sur les marchés financier représente plus de 4 fois le PIB mondial. Pourquoi ? Parce que des politiques publiques ont décidé d’orienter l’argent vers ces marchés ou de ne rien faire pour le redistribuer ailleurs : les entreprises laissent une part toujours plus importante de leurs profits à leurs actionnaires au détriment de leurs salariés, les inégalités sont renforcées par les réformes fiscales qui ont diminué l’impôt payé par les plus riches, comme le bouclier fiscal en France qui vide de son contenu l’impôt sur la fortune au moment où les riches n’ont jamais été aussi riches. Il est plus que temps aujourd’hui de mettre en œuvre d’autres politiques qui apportent des réponses à toutes les crises, financière, mais aussi écologique et sociale.

Justement que proposez vous concrètement ? Et pensez vous que Nicolas Sarkozy fait les bons choix ?

Ne pas sauver le système bancaire serait pire pour l’ensemble de la société et de l’économie. Mais il faut le faire en fixant des contreparties très claires et très fermes, et dire aux banques : les filiales hébergées dans les paradis fiscaux pour échapper aux impôts, c’est fini ; la création de produits financiers totalement inutiles et opaques, c’est fini ; le non respect du droit au compte pour les personnes en difficulté c’est fini. Les rémunérations qui dépassent l’entendement et sans liens avec les résultats économiques, c’est fini. C’est le moment où jamais pour le politique d’imposer ses conditions. Or, sur tous ces points, on entend pas ou très peu Nicolas Sarkozy. Au contraire, le président UMP de l’assemblée nationale a même proposé de permettre aux plus riches qui ont mis leurs capitaux hors de France pour ne pas payer d’impôts de rapatrier leurs capitaux en étant totalement défiscalisé s’ils investissent dans un emprunt d’Etat ! C’est proprement stupéfiant.

En ce qui nous concerne, nous proposons un plan en 4 étapes. Tout d’abord sauver les banques, et donc les dépôts bancaires des épargnants, tout en fixant les contreparties évoquées à l’instant. Cela peut passer par des nationalisations partielles ou totales de certaines banques qui permettent de contrôler directement une partie du financement de l’économie. Ensuite, voter au niveau européen, avant la fin de la mandature du parlement européen, un paquet législatif qui fasse le ménage sur les marchés financiers. Il s’agira notamment de mettre en place une taxe Tobin sur l’ensemble des flux, d’interdire les ventes à découverte qui permettent aux spéculateurs de spéculer sans même avoir besoin d’avoir du capital en poche, de limiter drastiquement la possibilité de transformer des dettes en titres financiers (la fameuse « titrisation » qui est à l’origine de la diffusion des crédits américains subprime à l’ensemble du système financier mondial), de taxer à la source tous les flux financiers à destination des paradis fiscaux identifiés au niveau international, etc… Nous demandons à Nicolas Sarkozy, président de l’Union européenne, de mettre ce paquet législatif à l’ordre du jour du prochain conseil européen dans les prochain jours. Troisième étape qui peut commencer tout de suite : inverser les politiques libérales qui ont conduit à ce que les marchés financiers prennent une place aussi importante. Cela signifie par exemple augmenter l’impôt sur les sociétés pour la part des bénéfices versés aux actionnaires, mettre fin à la fiscalité privilégié des stocks options, mettre en place une taxe exceptionnelle sur les profits pétroliers et gaziers, augmenter les minima sociaux, etc… Et enfin, mettre en place les politiques d’investissements pour lutter contre le changement climatique et nous préparer à la fin du pétrole bon marché. Ces politiques permettront à la fois de réduire la pression que nous exerçons sur l’environnement, créer des emplois au moment où le chômage redevient la première préoccupation des français et redonner du sens à l’économie. C’est tout l’enjeu du Grenelle de l’environnement en France et du paquet énergie climat en Europe, qui peut être voté avant la fin de l’année.

Les entreprises souffrent déjà de l’entrée en récession. Peut on leur mettre des contraintes supplémentaires liées à l’environnement ?

Ce n’est pas parce que les gouvernements n’ont pas su prévoir la crise financière qu’il faut en plus ne rien faire pour résoudre la crise climatique et énergétique. Sinon ce sera le double peine pour les gens comme pour les entreprises. En plus, l’écologie ce sont des centaines de milliers de nouveaux emplois dans les énergies renouvelables, l’isolation des logements, l’invention de nouveaux procédés pour produire avec moins d’énergie, les transports collectifs, l’agriculture de proximité. L’écologie ce sont des solutions pertinentes pour demain et utiles dès aujourd’hui.

Les contreparties que vous posez au sauvetage des banques ne sont pas elles pas utopiques ?

La première leçon de cette crise c’est le retour du politique. Le monstre que le politique a créé à travers trois décennies de dérégulation et de confiance aveugle dans les marchés, le politique peut le défaire. Mais il faut des dirigeants qui acceptent de faire trois choses : coordonner toutes leurs actions au niveau international et européen, sortir de l’idéologie libérale dominante (l’immense majorité des gouvernements des pays riches sont de droite) et avoir le courage de poser leurs conditions aux milieux financiers. C’est ambitieux mais nécessaire. L’utopie c’est au contraire de penser que l’on pourra continuer comme avant une fois la crise passée.

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