L’Europe au service de la paix

12 janvier 2024

2024 a démontré qu’isolés, les Etats membres de l’UE ne peuvent européen n’ont ni les moyens de résister à Poutine ni ceux de vraiment peser sur la guerre au Moyen-Orient…
L’Europe peut être un formidable outil de paix, de protection du droit international. Il lui incombe de monter urgemment un projet commun ambitieux et efficace…

Mon billet d’humeur est à lire aussi sur mon blog de Médiapart. 


L’année qui s’achève fut dominée par les guerres en Ukraine et en Israël/Palestine. Mon vœu le plus cher est que 2024 soit l’année de la fin des combats et d’une paix durable. Mais quel sens donner à notre pacifisme dans le contexte actuel ? Être partisan de la paix en 2023, au-delà du vœu pieu, c’est se donner les moyens de bâtir – ou d’imposer – la paix face à ceux qui la piétinent.

Ainsi, face à Poutine – et parce qu’aucune autre solution n’a prouvé son efficacité – l’Union n’a d’autre choix que de livrer les armes réclamées par l’Ukraine. Les efforts consentis jusqu’à présent ont été importants, mais ils sont malheureusement clairement insuffisants pour stopper l’ambition russe. Or le temps joue en faveur de l’agresseur qui reprend l’avantage, au moins sur le plan psychologique. En outre, sur ce front, l’Union est trop dépendante de l’OTAN et de l’aide militaire américaine, qui pourrait bien disparaître du jour au lendemain.  Que deviendront l’Ukraine et l’Europe si Donald Trump revenait au pouvoir en novembre 2024 ? A l’heure actuelle, Joe Biden n’est pas en tête des sondages et la perspective d’une défaite démocrate est tout simplement vertigineuse pour nous autres, Européens. Prendre conscience de cet enjeu et se préparer à y faire face relève de l’urgence absolue.

Le sujet de l’Europe de la défense et de notre autonomie militaire n’est pas nouveau. Pourquoi est-il sans cesse ajourné ? Malgré toutes les justifications techniques ou budgétaires, il ne s’agit, à mon sens, que d’un manque de volonté politique. Actuellement, les Européens produisent 178 systèmes d’armes et les États-Unis 30 seulement. La Commission estime que 100 milliards d’euros annuels pourraient être économisés en intégrant les industries de défense de l’Union. Il est donc possible d’unifier nos forces et de coordonner des investissements pour en renforcer l’efficacité, à condition de le décider.

Au fond, je crois que nous sommes en retard d’une guerre. On répète souvent que le projet européen a été conçu comme un projet de paix après la seconde guerre mondiale – que la paix est l’essence même de l’Europe. Mais la paix conçue par l’intégration économique et industrielle – celle de la France et de l’Allemagne mettant en commun le charbon et l’acier dans les années 50 – n’a plus beaucoup de sens face à la menace russe. La survie politique de l’Union passe désormais – et de façon immédiate – par une Europe capable de se défendre. 

Dans le même ordre d’idées, une mise à jour du logiciel diplomatique européen s’impose de façon évidente. Une Union européenne faible, contrainte par des décisions de politique extérieure prises à l’unanimité, est trop souvent synonyme de cacophonie et d’effacement sur la scène internationale. Ainsi, en ne s’impliquant pas – ou si mal – dans le processus de désescalade militaire en Israël, l’Europe a peut-être perdu ce qui lui restait de crédibilité vis-à-vis des nations du “sud global”. Son inaction face au massacre de civils gazaouis – plus de 22 000 Palestiniens tués, dont plus de 8 000 enfants en ce début janvier – constitue d’ores et déjà un stigmate qui marquera notre histoire. Demain, la Russie, la Chine et leurs alliés pourront – à juste titre – reprocher aux occidentaux d’appliquer les règles du droit international selon une géométrie très variable. Pour obtenir un cessez-le-feu, pour faire respecter le droit international, l’UE ne doit plus hésiter à faire pression sur Israël au plan commercial et diplomatique. Elle en a les moyens : c’est encore une fois, une question de volonté.

Je souhaite ardemment la paix pour cette année 2024 mais je n’ai aucune illusion sur le fait que les conflits en cours ne s’éteindront pas par miracle. Si aucun Etat européen isolé n’a les moyens de résister à Poutine ou de peser sur la guerre au Moyen-Orient, l’Europe est bien notre chance. Elle peut être un formidable outil pour nous protéger, pour faire respecter le droit international et les valeurs humanistes, pour porter une politique de coopération et arrimer les nations à un nouveau projet commun. Oui, l’Europe peut jouer un rôle stabilisateur de premier plan dans un monde qui va mal. L’année 2024 peut être l’occasion de réaffirmer cette noble ambition. Celle d’une Europe puissante au service de la paix. 

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