Loi Climat, taxonomie, gouvernance de l’entreprise

21 avril 2021

À Bruxelles, les petits pas pour transformer l’économie et préserver le climat

1/ La loi climat européenne sonne le glas d’un Green Deal ambitieux

Contrairement aux recommandations des scientifiques et des écologistes (65%) et à la position du Parlement européen (au moins 60%), le trilogue a abouti sur un « objectif réel » de 52,8% de réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Si l’objectif affiché est de 55%, ce chiffre donné en “net” inclut les puits de carbone et les émissions négatives. Il correspond en réalité à une baisse “réelle” des émissions plus faible qu’annoncée, selon le calcul de la Commission européenne. Le pilier du Pacte vert, la loi Climat européenne, vient donc de tomber ; mais nous restons déterminé·e·s à obtenir des législations concrètes et ambitieuses pour le climat et la planète : il en va de notre responsabilité.

2/ Le premier acte délégué du règlement sur la Taxonomie, publié ce jour, montre que le chemin sera long et heurté

La taxonomie fut élaborée comme une première pierre à la régulation de la finance et il était urgent que cette pierre soit posée. Nombre de banques sont exposées à un risque systémique lié au dérèglement climatique. Le spectre d’une nouvelle explosion de bulles financières pèse sur nous. Même les plans de relance ne parviennent pas à mobiliser les sommes nécessaires pour financer la transition écologique et respecter l’Accord de Paris. La publication de cet acte délégué vise à répondre, humblement, à ces enjeux majeurs.

Cette publication résulte toutefois d’un combat dur et de longue haleine car les lobbys et leurs alliés parmi les États membres, notamment neuf d’entre eux, ont tout fait pour en détériorer le contenu et en reporter la publication. 

Le point noir de ce premier acte délégué pour la taxonomie réside dans les critères apposés aux forêts et à la bioénergie. Les exploitants forestiers de Suède et de Finlande l’ont emporté : la taxonomie ne permettra pas de garantir la protection des forêts tandis que le bilan écologique de la gestion des forêts en Europe est repoussé à 2050. Trop tard.

Cependant, le gaz et le nucléaire ne figurent pas dans l’acte délégué présenté ce jour, alors que certains États, dont la France, ne cessent d’élever la voix pour que ces activités polluantes soient – définitivement ou presque – labellisées comme vertes. Nous ne sommes pas dupes : si cette première pierre de la taxonomie n’inclut pas ces activités climaticides, le combat se poursuit dans les couloirs européens pour les y faire inscrire. En effet, la Commission semble avoir entériné que le nucléaire et le gaz seront bel et bien intégrés à la taxonomie à travers un nouvel acte délégué, ce dont nous ne pouvons nous satisfaire : l’enjeu est celui d’une action suffisamment rapide pour protéger le climat et préserver une planète sûre. Ces énergies polluantes ou pour les déchets desquels aucune solution n’existe n’ont rien à faire au sein d’une classification des “actifs verts”. Nous continuerons à mener cette bataille contre le greenwashing et la défense de l’intérêt des entreprises aux activités dangereuses pour la sûreté de la planète.

La taxonomie doit être et rester un outil dans la transition ; nous ne devons pas céder au greenwashing. Quant aux dispositions liées à l’énergie, notamment au nucléaire habitué à un statut particulier affranchi de tout débat démocratique, elles ne doivent pas faire l’objet d’un acte délégué adopté à la va-vite et sans discussion démocratique : seul un acte législatif devrait permettre d’en fixer les règles.

 

3/ La Commission européenne publie également ce jour sa proposition de révision des règles de gouvernance des entreprises dans l’Union

Un sujet essentiel : il fut également posé sur la table du G20 par Joe Biden, qui souhaite que le monde avance de concert sur les critères de gouvernance climatique. En ce sens, l’Union européenne manque la marche : sa proposition repose sur des critères déjà actés au niveau international et ne pose pas l’Union comme leader mondial sur cet enjeu crucial.

La proposition de révision de la Commission doit permettre aux consommateurs et consommatrices, aux investisseurs et investisseuses, et à l’ensemble des parties prenantes de connaître et évaluer les performances non financières des entreprises en matière environnementale, de droits humains, de devoir de vigilance, mais aussi de diversité, afin de les encourager à développer une approche plus responsable de leurs activités.

La proposition de la Commission était nécessaire ; elle n’en n’est pas moins faible. 

D’abord, parce qu’elle ne concernera qu’un nombre très limité d’entreprises : la Commission propose d’abaisser le seuil des entreprises concernées de l’actuel 500 salarié·e·s aux entreprises embauchant au moins 250 salarié·e·s. Toutefois, contrairement à la requête du Parlement européen en décembre 2020, toutes les entreprises à haut risque, quelles que soient leur taille et leur activité, ne seront pas concernées par l’obligation de reporting.

Entre autres, l’imprécision sur les critères environnementaux et climatiques sur lesquels les entreprises devront publier des informations ne garantit pas que celles-ci s’inscriront dans une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris, sans prise en compte explicite du Scope 3 des entreprises, encore moins du respect des limites planétaires. Les standards européens non-financiers de durabilité sont formulés de manière très générale et reposeront, notamment, sur la débattue taxonomie, laissant à la Commission toute latitude pour les compléter par le biais d’un acte délégué et ce, sans y associer les organisations de la société civile ni les organes européens travaillant sur les aspects sociaux, de la santé au travail à l’égalité salariale femmes-hommes.

Sur le plan social justement, nous serons également particulièrement vigilant·e·s à :

  • l’inclusion des parties prenantes, syndicats et ONGs, notamment, dans l’élaboration et l’évolution des sujets de reporting – ils en sont aujourd’hui quasiment totalement absents ;
  • une vraie action pour l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ;
  • favoriser l’investissement (notamment dans la transition) à la distribution de dividendes.

Enfin, la proposition de la Commission révèle d’importantes lacunes en matière de transparence tant sur les dispositions salariales et le paiement des dividendes que sur les audits à réaliser par les entreprises. Aucun critère n’est en effet posé afin d’éviter le monopole des grands cabinets comptables, les Big Four, non plus que pour éviter les potentiels conflits d’intérêt ainsi que le récent scandale de l’appel d’offres remporté par BlackRock pour élaborer les nouvelles règles de durabilité bancaire.

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