L’UE doit protéger la CPI et tous les acteurs européens contre les sanctions américaines.
Je suis honoré d’avoir reçu Osvaldo Zavala Giler, Greffier de la Cour Pénale Internationale, pour échanger sur les conséquences des sanctions américaines contre la Cour.
Comme je vous le disais récemment en vidéo, l’Union européenne a un outil à sa disposition pour contourner les sanctions américaines sur le sol européen et ainsi, atténuer les effets qu’elles auront sur la Cour.
Une loi de blocage pour protéger les acteurs européens
Cette « loi de blocage », la Commission peut décider de l’utiliser à tout moment pour protéger les acteurs européens, qu’ils soient des particuliers, des entreprises ou des institutions. Son activation est primordiale pour la survie de la CPI et la poursuite de ses travaux. Tout simplement, car les sanctions américaines ne viseront pas seulement l’institution et son personnel, mais également toutes les entreprises qui seront reliées à son travail : c’est le cas des banques et institutions financières qui leur permettent de verser des salaires ou d’effectuer des transactions, c’est le cas des agences de sécurité, des entreprises qui fournissent des logiciels à la CPI, des hôtels dans lesquels sont logés les témoins… Tous les acteurs économiques reliés de près ou de loin à la Cour seront menacés et risquent donc de rompre leur collaboration.
Depuis les annonces des sanctions, la Commission est restée silencieuse sur la possibilité de recourir à la loi de blocage. Nous sommes face à un véritable paradoxe : le Sénat a d’abord rejeté le texte instaurant les sanctions pour la seule raison qu’il ne protégeait pas assez les entreprises américaines, comme Microsoft. Les Etats-Unis vont donc appliquer de lourdes sanctions tout en protégeant leurs entreprises qui pourraient être implantées par celles-ci. Pourtant, l’UE laisse toujours planer le doute quant à la protection des acteurs européens contre ces mesures extra-territoriales illégales.
Une attaque contre la souveraineté des Etats
Au-delà de protéger la CPI et les acteurs économiques européens, il s’agit également d’un enjeu crucial de souveraineté des Etats Membres de l’UE qui sont tous partis au Statut de Rome. La compétence et la juridiction de la Cour Pénale Internationale provient uniquement et directement de la souveraineté des Etats partis qui lui ont conféré son pouvoir. La Cour a la compétence pour poursuivre les criminels qui ont agi sur le territoire des Etats partis ou qui sont ressortissants d’un Etat parti. Contester la compétence de la Cour et sa juridiction, c’est contester la souveraineté des Etats parties qui lui ont confié son mandat. Dès lors, le silence attentiste de la Commission sape la souveraineté même des Etats membres et l’Etat de droit au sein de l’Union.
Protéger la CPI : une obligation légale
Enfin, protéger la Cour contre toute sanction et pression extérieures n’est pas un choix politique, mais une obligation légale, en vertu de l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale, adopté par l’Assemblée des Etats Parties de la Cour à sa création.
J’appelle donc la Commission européenne, sa Présidente Ursula von der Leyen, et la Haute représentante de l’Union, Kaja Kallas, à confirmer publiquement que la loi de blocage sera activée contre les sanctions américaines visant la CPI. L’UE doit porter la voix des 125 Etats partis au Statut de Rome et tout mettre en œuvre pour protéger la Cour Pénale Internationale, conformément à ses engagements internationaux.
Mounir Satouri
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