L’Union européenne s’attaque enfin aux procédures bâillons !
Quelques mois après l’adoption du rapport ambitieux par le Parlement européen, la Commission européenne annonce aujourd’hui un ensemble de textes pour lutter contre la multiplication des procédures bâillons, ces actions en justice intentées par des acteurs puissants (gouvernements ou multinationales) dans le seul but de réduire au silence ceux qui s’expriment au nom de l’intérêt général.
La Commission européenne publie une proposition de législation, mais aussi des recommandations aux États membres, notamment en termes de formation, de sensibilisation et d’information sur ce sujet, ainsi qu’un soutien individuel et indépendant apporté aux victimes et une collecte de données à l’échelle nationale.
Pour Marie Toussaint, eurodéputée écologiste, membre de la commission des Affaires juridiques :
« La Commission européenne a enfin entendu l’appel clair et unanime du Parlement européen : nous devons urgemment protéger les gardiens de la démocratie, de la liberté d’expression et des droits fondamentaux y compris du droit à un environnement sain. Après la protection des lanceurs d’alerte, cette directive est une nécessité absolue pour protéger les journalistes, activistes, défenseurs de l’environnement et des droits humains mais aussi leurs familles, amis ou collègues, de plus en plus exposés à ces procédures bâillons, et particulièrement en matière environnementale.
Après 1 000 jours de détention, l’avocat Steven Donziger, défenseur historique des communautés autochtones d’Équateur face à la pollution massive du pétrolier Texaco-Chevron, vient tout juste d’être libéré après avoir été victime d’un acharnement ciblé de la multinationale et de la justice américaine. À la COP26, 60 journalistes de 34 pays ont appelé à être protégés face aux poursuites abusives. En France, l’activiste et militant écologiste Manual García a été poursuivi à hauteur d’un million d’euros par le producteur de viande Coren pour avoir dénoncé la pollution causée par sa mauvaise gestion des déchets d’élevage. Ces dernières années, le groupe Bolloré a lancé plus de plus de vingt procès en diffamation contre des journalistes, avocats et militants qui enquêtent sur des atteintes aux droits humains. Et les exemples sont encore très nombreux.
L’approche étendue des « victimes » de procédures bâillons retenue par la Commission est donc une bonne nouvelle : les ONGs et les activistes subissent aussi directement les conséquences de ces acharnements juridiques. Mais la Commission limite dangereusement l’application de la législation aux cas transfrontaliers alors que la grande majorité des actions n’ont qu’une dimension nationale. La Commission restreint également la possibilité de poursuivre les SLAPPs sur le fondement civil uniquement.
Nous travaillerons bientôt à relever l’ambition du texte au Parlement pour que les mesures de protection soient autant financières, avec la création d’un fonds solidaire, que juridiques ou psychologiques, pour aider et soutenir les victimes de procédures bâillons, les membres de leur famille et les organisations qui les soutiennent.
Au-delà de cette législation, la lutte contre les procédures bâillons et la protection de la démocratie environnementale doit aussi passer par un accès à la justice et un droit à un procès équitable réellement effectif au niveau européen. La création d’un devoir de vigilance en matière de droits humains et d’environnement pour toutes les entreprises et la lutte contre la criminalité environnementale sont aussi des conditions indispensables pour prévenir et condamner les procédures bâillons.«
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