Pour un monde sans faim
Selon le rapport du programme alimentaire mondial de 2019, un peu plus de 820 millions de personnes, soit plus d’une personne sur neuf, étaient sous-alimentées en 2018. L’objectif “Faim zéro” du Programme des Nations Unies pour le développement, qui vise à mettre un terme à la faim et à la malnutrition sous toutes leurs formes d’ici 2030, est donc un défi immense. D’autant qu’après des décennies de baisse constante, ce chiffre repart à la hausse depuis 2015, principalement à cause du dérèglement climatique, de la multiplication des épisodes extrêmes et de la dégradation de la biodiversité. Lutter contre la faim dans le monde passe donc par la lutte contre le dérèglement climatique et la restauration de la nature ainsi que par le changement de notre modèle agricole.
Avec ses sécheresses et ses phénomènes climatiques extrêmes (comme le cyclone Idai qui a balayé l’Afrique australe en 2019), le dérèglement climatique et la disparition de la biodiversité sont parmi les premières causes de la faim dans le monde. La faim est un problème beaucoup plus présent dans les pays où une grande partie de la population vit de l’agriculture et dont le système agricole est vulnérable aux aléas climatiques tels que la variabilité des précipitations et de la température, graves sécheresses, inondations… Le changement climatique perturbe déjà la production des principales cultures (blé, riz et maïs) des zones tropicales et zones tempérées. Faute de stratégies d’adaptation, ce problème devrait s’aggraver à mesure que les températures augmenteront et deviendront plus extrêmes. Les catastrophes liées au dérèglement climatique figurent désormais à la première place des facteurs de risque. De tous les risques naturels, ce sont les inondations, les sécheresses – qui sont à elles seules responsables de 80% des pertes enregistrées par le secteur agricole – et les tempêtes tropicales qui ont le plus d’incidence sur la production alimentaire.
Les femmes vivant en milieu rural, qui représentent près de la moitié de la main-d’œuvre agricole des pays en développement, en sont les premières victimes car elles sont désavantagées par des normes patriarcales, elles mangent souvent moins et en dernier et sont plus sensibles aux carences alimentaires.
Les inégalités économiques ont aussi un rôle majeur dans l’insécurité alimentaire. La disponibilité de denrées alimentaire au niveau mondial pourrait permettre de nourrir de façon satisfaisante toute la population. 2 milliards de personnes sont en insécurité alimentaire. À la moindre baisse de revenu ou flambée des prix, elles peuvent basculer dans la faim avec des conséquences dramatiques. En 2008, la spéculation sur les denrées alimentaires a provoqué une flambée des prix et des émeutes meurtrières, en Haïti et en Égypte notamment. Pour éviter cette flambée des prix, il faut combattre la spéculation. Pour cela, il est indispensable de sortir les denrées alimentaires, qui correspondent à des besoins primaires et fondamentaux, des accords de libre-échange et des accords de l’OMC : l’alimentation n’est pas une marchandise, on ne peut pas lui appliquer la même logique libérale et mercantile qu’à l’ensemble des autres valeurs commerciales.
Parmi les premières victimes de la faim et/ou de l’insécurité alimentaire, on trouve les agriculteurs/trices. Pourquoi ? Parce qu’ils font partie des populations les plus précaires. Notre système est en partie responsable de cette situation. Via la Politique agricole commune, il subventionne la production européenne qui est ensuite exportée à bas coût. Subventionner les exportations de denrées alimentaires, c’est installer une concurrence déloyale vis-à-vis de l’agriculture locale qui entraîne un appauvrissement et une perte de souveraineté alimentaire. On appauvrit ainsi les populations locales et on aggrave leur dépendance alimentaire. Et, au passage, on aggrave aussi le dérèglement climatique en transportant des aliments sur de longues distances. C’est le serpent qui se mord la queue ! Ce système a d’ailleurs montré ses limites pendant la crise sanitaire : basé sur le libre-échange et les interdépendances, il a été fragilisé par la fermeture des frontières. Comment faire quand les marchandises et les travailleurs/euses saisonniers/ères ne peuvent plus circuler ? Sans compter l’impact de la crise sur les plus vulnérables et sur des populations qui avaient été jusque-là épargnées.
Par ailleurs, les populations locales sont aussi précarisées par l’accaparement des terres par des groupes industriels ou des fonds de pension pour y faire de la monoculture (comme le soja en Amérique du Sud ou les palmiers à huile en Afrique et en Asie du Sud-Est), mais aussi pour bénéficier des marchés carbone, des ressources minérales ou des ressources en eau. De nombreux/euses agriculteurs/trices sont ainsi exproprié·e·s, perdant leur outil de travail et de subsistance.
Au-delà de la faim, c’est surtout la malnutrition qui augmente. Elle ne se manifeste pas uniquement par de la dénutrition, mais aussi par de l’obésité et des carences à alimentaires. En effet, la consommation excessive d’aliments hautement transformés riches en énergie et en graisses, en sel et en sucres, bien souvent moins chers que les alimentes sains et nutritifs, devient un problème majeur. Au Mexique, par exemple, le soda est moins cher que l’eau !
Lutter contre la faim dans le monde nécessite donc une véritable coopération mondiale pour lutter contre le dérèglement climatique et la disparition de la biodiversité, sortir l’alimentation des accords de libre-échange et de l’OMC, lutter contre la pauvreté et changer de modèle agricole. Les écologistes proposent une réforme en profondeur de la politique agricole commune qui privilégie une agriculture paysanne et locale, une pêche artisanale. Circuits-courts, développement du bio, pratiques respectueuses de la nature, des sols et de notre santé sont notre priorité. Il n’est, en effet, pas cohérent de financer l’aide au développement pour lutter contre la faim dans le monde tout en soutenant une politique agricole qui encourage les exportations, l’accaparement des terres et la surpêche.
Pour aller plus loin L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde Sur la souveraineté alimentaire Sur la pénurie alimentaire en lien avec la crise sanitaire Sur l’agriculture familiale |
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