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Rencontre avec les autochtones du Cerrado, région oubliée de la lutte contre la déforestation

20 mars 2024

Vendredi, Claude Gruffat a rencontré des leaders autochtones du Cerrado, une région du Brésil en proie à la destruction à cause de l’agriculture intensive et la déforestation qui lui est liée, menaçant les écosystèmes, les populations indigènes et l’ensemble du Brésil. Ils sont venus nous demander de porter leur voix au Parlement européen afin de mieux protéger cette région oubliée du combat contre la déforestation.

Le Cerrado, la clé de voûte de tous les écosystèmes brésiliens

En plus d’être la savane la plus ancienne de la planète, le Cerrado est également la plus riche en biodiversité. La région abriterait près de 5% des espèces du monde et 30% de la biodiversité du Brésil. Les représentants des peuples autochtones la définissent comme une « forêt inversée » : grâce à de profonds systèmes racinaires, elle stockerait du carbone comme le fait l’Amazonie, sans pour autant lui ressembler.

Et c’est bien là tout le problème ! La région est donc bien moins protégée que d’autres écosystèmes et laissée en proie à la destruction au profit de l’agro-business. Si dans les chiffres, la déforestation a clairement ralentie au Brésil, elle n’a fait que se délocaliser, ravageant ce paradis de biodiversité qu’est le Cerrado. D’ailleurs, cette région connaît dorénavant une déforestation plus rapide que la forêt amazonienne.

Ce refuge pour les espèces animales et végétales est pourtant une clé de voûte pour tout le Brésil : le Cerrado est considéré comme le « berceau des eaux du Brésil », fournissant près de la moitié de l’eau douce du pays.

C’est une forêt très différente, mais c’est là où naissent les principaux fleuves et les principaux cours d’eau, donc tous les autres écosystèmes du Brésil en dépendent. La destruction du Cerrado est la porte de toutes les menaces qui arrivent en Amazonie et en Amérique latine.

L’agro-business, fossoyeur du Brésil

Pour les autochtones, le gouvernement brésilien et l’agro-business sont engagés dans un processus suicidaire. La déforestation ne sert qu’à l’agriculture intensive pour produire le trio soja-maïs-viande qui est destiné à l’exportation. Or, l’agriculture dont les produits sont destinés au commerce extérieur bénéficie de généreux avantages fiscaux, ce qui provoque une inflation sur les produits de bases destinés à la consommation locale en plus d’une dépendance à l’importation pour des produits qu’ils produisent pourtant massivement (comme le soja destiné à l’alimentation animale).

« Ça n’apporte absolument aucun bénéfice pour les brésiliens que l’agriculture destinée à l’exportation augmente, et pourtant c’est elle qui est subventionnée massivement, avec des conséquences très graves au niveau environnemental et social »

Claude Gruffat s'entretient avec les représentants des peuples autochtones du Cerrado

Les populations autochtones se voient en effet chassées de leurs terres au profit de l’agriculture intensive, car énormément de territoires n’ont pas encore été reconnus comme les leurs par l’État. On constate également une augmentation des violences avec des milices paramilitaires qui s’en prennent aux petits paysans.

« C’est une bombe à retardement. Le Cerrado pourrait survivre sans les autres biomes, mais l’inverse n’est pas possible. Et sans Cerrado, il n’y a plus d’eau, il n’y a plus d’agriculture »

Une bombe à retardement que l’UE peut protéger

Il y a moins d’un an, le règlement sur la déforestation importée est entré en vigueur dans l’UE. C’est un texte essentiel pour la protection des forêts du monde car l’UE est responsable de 16% de la déforestation mondiale. Afin de réduire au minimum la consommation de produits associées à la déforestation, la mise sur le marché de produits ayant contribué à la dégradation des forêts est interdite. Les entreprises ont donc un devoir de vigilance quant à leur chaîne de valeur.

Négociations interinstitutionnelles sur le règlement sur la déforestation importée

Dans ce cadre réglementaire, de nombreux produits sont surveillés, comme la viande, le cacao, le café, le soja, l’huile de palme… mais d’autres manquent encore à l’appel comme le maïs. Un autre point faible de la réglementation est qu’elle ne protège que les « forêts » selon une définition assez étroite, ce qui n’inclut pas le Cerrado qui serait compris dans la définition « d’autres terres boisées ». Or, aujourd’hui, la moitié des importations françaises de soja viennent du Cerrado. Il y a donc urgence à l’inclure dans cette loi européenne contre la déforestation importée, que ce soit pour les droits des peuples autochtones, pour la protection de l’environnement, pour la lutte contre le réchauffement climatique ou contre l’effondrement de la biodiversité.

Un premier réexamen du règlement est prévu « au plus tard deux ans après son entrée en vigueur » pour traiter de la nécessité d’étendre le champ d’application à d’autres écosystèmes.

À ce moment-là, nous, les écologistes, nous battront pour le Cerrado !

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