Suppression des nitrites dans la charcuterie
L’objection Nitrite déposée par l’eurodéputée verte Michèle Rivasi a été adoptée mardi 27 juin par la commission de l’Environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen.
L’objection Nitrite déposée par l’eurodéputée verte Michèle Rivasi a été adoptée aujourd’hui par la commission ENVI du Parlement européen (+42 / -36 / o9). Il s’agissait de bloquer la proposition insuffisante de la Commission européenne de fixer de nouvelles limites d’utilisation des additifs alimentaires nitrite et nitrate, responsables de la formation, dans les viandes transformées et les charcuteries, de composés cancérogènes avérés. Ces nouvelles limites, réduites, restaient cependant insuffisantes pour réellement protéger la santé des consommatrices et des consommateurs.
C’est pour cette raison que Michèle Rivasi a préféré exercer le droit de veto du Parlement européen contre cette proposition de décision. Elle appelle, par conséquent, ainsi la Commission européenne à une position commune interdisant ces additifs alimentaires génotoxiques plutôt que de fixer des limites permissives qui participent à l’instauration d’un double standard de produits « avec » ou « sans » nitrite.
« C’est, tout d’abord, une bonne nouvelle pour la prévention des cancers. On le sait, je l’explique dans mon objection : il n’y a désormais plus aucune raison de santé publique justifiant de recourir à l’ajout de nitrate et de nitrite dans les viandes et la charcuterie. Tout d’abord parce que ces additifs alimentaires sont des cancérigènes avérés. Ensuite, et les producteurs du secteur le montrent maintenant depuis plusieurs années, en particulier en France et en Italie : il est possible de fabriquer du jambon et de la charcuterie sans nitrite et sans nitrate. Par conséquent, l’argument de l’impératif technologique n’est plus valable.
L’adoption de cette objection en commission ENVI est un signal clair adressé à la Commission européenne et aux États membres encore réticents à sauter le pas : nous avons voté en faveur d’un retrait du marché de ces substances, avec des mesures d’accompagnement pour gérer la transition. La Commission européenne doit l’entendre et faire une nouvelle proposition sans plus attendre. C’est d’une Europe qui protège vraiment dont nous avons besoin, et non pas de compromis techniques qui maintiennent le statu quo sans réelle efficacité contre le cancer.
Nous ne pouvons plus nous satisfaire de cette inaction. C’est pour cette raison que je tiens à saluer chaleureusement la majorité des collègues ENVI et des conseillers politiques qui m’ont suivie sur cette objection. La prochaine étape sera l’adoption de cette objection en session plénière.«
Le résultat du vote
En savoir plus sur l’objection
À quoi correspond cette objection ?
Michèle Rivasi (Verts/ALE) a notifié en ENVI le 14 juin dernier son projet de proposition de résolution s’opposant au règlement de la Commission (RPS D089496) modifiant l’annexe II du règlement (CE) n° 1333/2008 et l’annexe du règlement (UE) n° 231/2012 de la Commission en ce qui concerne les additifs alimentaires nitrites (E 249-250) et nitrates (E 251-252).
Discutée le 26 juin en ENVI, l’objection nitrite / nitrate de Michèle Rivasi a été adoptée mardi 27 juin (42 + / 36 – / 9 O). Le vote en plénière est prévu en juillet, avant la date limite du 2 aout 2023 dont dispose le Parlement européen et le Conseil pour s’opposer à la proposition de la Commission.
Quel est le but de cette objection ?
Depuis de nombreuses années, les réactions chimiques entre les additifs nitrés et les composants de la viande (notamment le fer) présents dans les salaisons et les charcuteries font l’objet d’une attention particulière en raison du risque de cancer.
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sur la base de plus de 800 études, classe les salaisons comme cancérogènes avérés (groupe 1 : « cancérogène certain pour l’homme »). Actée en 2015, cette classification signifie que les scientifiques ont des preuves formelles de la cancérogénicité chez l’homme. Avec l’alcool, la charcuterie est le seul groupe alimentaire à être classé dans cette catégorie. Le rapport final du CIRC, publié en 2018, n’a fait que confirmer les conclusions du Fonds mondial de recherche sur le cancer (WCRF) et de l’Institut américain de recherche sur le cancer (AICR), qui alertaient dès 2007 sur le fait que la consommation de charcuterie augmentait significativement le risque de cancer. L’OMS considère que chaque portion de 50 grammes de charcuterie consommée chaque jour augmente de 18 % le risque de cancer colorectal.
Le danger posé par la viande nitritée a été reconnu par la Commission européenne, laquelle a accepté que le Danemark ne transpose pas la directive 2006/52/CE en droit national en ce qui concerne l’utilisation de nitrites dans certains produits de viande et que le Danemark maintienne sa législation nationale actuelle, qui est plus restrictive dans ce domaine. En 2010, la Commission européenne a reconnu qu’il est admis que la présence de nitrites dans les produits à base de viande peut donner lieu à la formation de nitrosamines, qui se sont révélées cancérigènes.
L’argumentation de Michèle Rivasi repose sur le fait que ces seuils, bien qu’abaissés, n’empêchent pas la formation de composés cancérigènes. Cette proposition fait écho aux conclusions de l’EFSA de mars 2023, bien que l’avis de l’EFSA soit incomplet car ne tenant pas compte, par exemple, de l’impact d’autres produits de réaction des agents de nitrosation, tels que les nitrosothiols et le nitrosylhème, et omet d’inclure les composés S-nitrosés et les composés M-nitrosés sans aucune justification. De plus, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) a confirmé une association entre le risque de cancer colorectal et l’exposition aux nitrites et aux nitrates et a recommandé de réduire l’utilisation de ces additifs à des niveaux aussi bas que raisonnablement possible (ALARA).
Que demande cette objection ?
Cette objection appelle à l’interdiction de l’ajout de nitrates et de nitrites dans les salaisons, l’argument du « besoin technologique » n’étant plus valable. Sur une base volontaire et non contraignante, une partie du secteur agroalimentaire a pu mettre en place des solutions de conservation sans nitrite ajouté, tout en respectant les obligations sanitaires de mise sur le marché protégeant les consommatrices et les consommateurs contre les risques bactériologiques. Il est désormais possible de produire des produits de salaison sans utiliser d’additifs nitrés. En France, une majorité d’industriels – Herta, Fleury Michon, Brocéliande, Madrange (groupe Cooperl), Salaisons Roches Blanches, André Bazin, les marques distributeurs de différentes enseignes – ont mis sur le marché depuis trois ans des produits sans additifs nitrés.
Le jambon sec traditionnel italien (jambon de Parme) présente une couleur rouge vif stable obtenue sans utilisation de nitrite et/ou de nitrate ; alors que depuis 1993, ses producteurs se sont engagés à n’utiliser aucun additif alimentaire (nitrite, nitrate, colorant, arôme artificiel, etc.) et que la filière regroupant 140 producteurs livre chaque année 8 à 9 millions de jambons de Parme, sans créer de risques pour la santé des consommateurs ni augmenter le nombre de cas de botulisme.
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