Une agriculture sans pesticides : un nouveau projet franco-allemand pour l’Europe ?
«Qu’est ce qui cloche au niveau du secteur bio en Allemagne et chez les Verts allemands ?» Une tribune de José Bové et Daniel Cohn Bendit, initialement publiée en Allemagne dans le Tagesspiegel Berlin et traduite pour Mediapart.
En France, dans son discours du 11 octobre, le président Macron a appelé ses partenaires européens à préparer la voie d’une nouvelle agriculture pour l’après 2020. Il veut mettre en pratique l’Accord de Paris sur le climat, en renonçant notamment à une agriculture basée essentiellement sur l’utilisation de pesticides. Il veut que la préservation de la biodiversité et la diversité culturelle soient au cœur d’une future agriculture respectueuse du climat et des hommes. D’ici trois au plus tard, l’utilisation du glyphosate ne devrait plus être autorisée.
Pendant ce temps, l’Allemagne hésite encore. Le ministre de l’agriculture, Christian Schmidt, veut autoriser le glyphosate pour les cinq prochaines années en limitant son usage aux « utilisateurs professionnels ». Lors du dernier vote au Conseil des ministres de l’agriculture de l’UE, l’Allemagne avait recommandé l’abstention. L’abstention ou bien même le rejet, c’est aussi ce qu’a recommandé le ministre allemand pour le prochain vote prévu le 20 novembre à Bruxelles sur le nouveau règlement relatif à l’agriculture biologique. Il peut compter sur le soutien express du secteur bio allemand, du syndicat agricole majoritaire (Deutsche Bauernverband – l’équivalent de la FNSEA) et des ministres régionaux verts de l’agriculture.
Mais pourquoi ?
Le bio dispose d’une conjoncture économique très favorable, dont ne dispose aucun autre secteur agricole. La demande des consommateurs en produits bio croît de façon exponentielle. Chaque supermarché et presque chaque enseigne hard-discount dispose d’un rayon bio complet. En Allemagne, la consommation de produits bio augmente de 10% chaque année, en France, de 20% et dans l’UE de 10%. Dans le même temps, la surface agricole en production biologique ne croît que d’environ 5% par an. La différence entre la consommation et la production fait le bonheur, et les profits, des importateurs et ouvre une possibilité pour des fraudes.
La Commission estime que plus de la moitié des aliments bio vendus en Europe sont importés de pays tiers, dans lesquels il n’existe souvent pas de règles claires pour la production et les contrôles. Face à ce danger la Commission européenne a mis sur la table, dès 2013, une proposition de révision du règlement européen relatif à l’agriculture biologique afin de diminuer le risque de fraude et de mettre fin aux dérogations actuelles qui permettent l’utilisation de pratiques et de substances autorisées également en agriculture conventionnelle.
Depuis que cette réforme est discutée, les organisations du secteur bio allemand, et avec elles les ministres régionaux Verts allemands de l’agriculture, sont vent debout contre cette nouvelle proposition de la Commission. Leur principal argument ? la proposition d’introduire des seuils de résidus de pesticides pour les aliments bio n’est pas juste vis-à-vis des agriculteurs bio. Ils ne sont pas responsables des épandages de leurs voisins et ainsi de la possible contamination de leurs produits bio par des pesticides. De plus, ils estiment qu’une action de leur part contre la chimie de leurs voisins conventionnels conduirait à ‘la guerre dans les campagnes’. Sur ce point, les organisations bio allemandes étaient d’ailleurs toujours unies avec le syndicat agricole majoritaire. Ils ont peur que Bruxelles, comme souvent, rajoute de la bureaucratie et une surcharge administrative aux agriculteurs et certificateurs.
De nouvelles alliances Allemandes ?
Les viticulteurs français veulent renoncer le plus vite possible aux pesticides. Du moins, c’est ce qu’affirme l’association française des producteurs de vins d’appellation d’origine. Les Français comptent sur le fait qu’ils peuvent gagner plus en vendant de plus petites quantités de vins certifiés sans pesticides, plutôt qu’en augmentant leurs volumes d’exportation sur le marché mondial. Ils se sont aussi rendus compte qu’appliquer des traitements chimiques supplémentaires n’apporte plus rien et conduit à des conséquences inadmissibles sur la santé. Pendant ce temps, en Allemagne, les syndicats agricoles préviennent que si une diminution de l’utilisation des pesticides est prévue, il faudrait prévoir de grosses chutes de rendements.
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