La sûreté nucléaire française mise en défaut par un rapport de la Commission européenne

La Commission européenne vient de communiquer les résultats des investigations réalisées sur les 134 réacteurs européens – les fameux « stress tests » décidés en urgence suite à la catastrophe de Fukushima. Ils révèlent des défaillances de sécurité dans toutes les centrales nucléaires françaises et préconisent des investissements nécessaires à hauteur de 25 milliards d’euros dans l’Union européenne. Réactions des eurodéputés EELV.
Depuis quelques jours, des fuites permettaient déjà de connaître les conclusions des « tests de résistance » finalement présentées ce jeudi 4 octobre 2012, par le commissaire en charge des questions énergétiques, Günther Oettinger. Pour les écologistes, ces résultats ne sont pas surprenants et sont la conséquence logique du sous-investissement chronique de la France en matière de maintenance et de sûreté nucléaire. N’ayant pas pris en compte un certain nombre de risques, la France, où se situent 40 % du parc nucléaire européen, doit s’attendre à une facture de mise aux normes élevée. La moitié des travaux préconisés par la Commission européenne devront en effet y avoir lieu.

Le débat avec le commissaire, très animé, a permis de révéler au grand jour la volonté des pays nucléarisés d’agir comme bon leur semble en matière de sûreté, et surtout de maîtriser la communication qui entoure le nucléaire. Pour les écologistes, la sûreté et la sécurité nucléaire sont des enjeux européens qui doivent relever d’une compétence européenne. Il faut renforcer les prérogatives de l’Union européenne en matière de nucléaire.

Pour Michèle Rivasi, eurodéputée EELV, spécialiste de la sûreté nucléaire, la réaction des eurodéputés à la Communication de la Commission révèle des incohérences et une certaine défiance nationale :

« De nombreux eurodéputés – et les Français surtout  – se sont indignés de l’ingérence de la Commission dans un domaine qui n’est pas censé faire partie de ses prérogatives. Par conséquent, ils considèrent que le document présenté ne devrait pas être reconnu comme un document officiel, et demandent à être dorénavant associés plus étroitement au sujet du nucléaire. C’est incroyable, puisque justement ces mêmes eurodéputés n’ont jamais remis en cause la base juridique d’Euratom qui exclut de fait le Parlement de la majorité des décisions prises en matière de nucléaire. Ces incohérences sont symptomatiques des partis qui considèrent que les autorités de sûreté nationales ont une compétence exclusive. Pourtant les liens d’intérêts au niveau national favorisent l’inaction et les coûts pour la France le démontrent : nous avons trop longtemps négligé la maintenance et l’amélioration de notre parc nucléaire, nous payons maintenant le prix fort pour une mise aux normes bien trop tardive. »

Et l’eurodéputée de conclure : « Pour moi, la sûreté comme la sécurité nucléaire doivent être une compétence européenne. Il faut dépasser les prérogatives nationales car les nuages radioactifs n’ont pas de frontière et menacent l’ensemble des pays européens. Le nationalisme pro-nucléaire est revenu au galop et réveille les vieux démons de la raison d’Etat nucléaire. L’irresponsabilité d’Etats trop complaisants ne doit pourtant pas se faire au détriment de la protection de la population européenne. C’est être pro-européen que d’assumer une telle position, j’appelle donc notre gouvernement à soutenir le travail de la Commission pour une révision efficace et novatrice de la directive sur la sûreté nucléaire (prévue en 2013). »

Pour Yannick Jadot, eurodéputé EELV, spécialiste des questions énergétiques :

« Il est surprenant d’entendre le commissaire Oettinger vanter la qualité de la procédure d’évaluation des risques des installations nucléaires européennes alors que le cahier des charges de ces tests a été profondément réduit suite à la pression des lobbys du nucléaire. Les autorités nucléaires se sont contentées d’évaluer les risques de séisme et d’inondation. Exit les risques d’incendies, d’explosion, d’actes-malveillants, les chutes d’avion ou encore les erreurs humaines !


Yannick Jadot : Pour éliminer les risques…

Les scénarii et les procédures évalués sont incomplets, la qualité des systèmes liés à la sécurité et les composants des installations nucléaires ne font pas l’objet d’évaluation, les dégradations dues au temps ne sont pas prises en compte, et finalement la plupart des tests réalisés le sont sur le papier, sans contrôle sur site. C’est ainsi que dans certaines centrales évaluées positivement (en Belgique par exemple) des fissures ont été découvertes mettant en péril la sécurité de nos concitoyens. Il est aussi surprenant d’apprendre que les centrales frontalières de Fessenheim et Cattenom par exemple n’ont pas fait l’objet d’un contrôle européen. Enfin, il est regrettable que le Commissaire ait présenté la communication de la commission comme un compromis entre pro et anti nucléaires.

La sécurité et la sureté des centrales européennes ne peuvent pas être des compromis. Avec les risques de séisme et d’inondation, la facture européenne pourrait atteindre 25 milliards d’euros. Qu’en serait-il si tous les risques étaient sérieusement pris en compte? Décidément, le nucléaire coûte très cher ! »

– A l’automne 2011, les écologistes au Parlement européen ont commandé une étude indépendante pour démontrer que les tests de résistance, tels que proposés par la Commission européenne, sont insuffisants. Pour en savoir plus, lire l’article Sûreté nucléaire : « Dormez braves gens… »
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