5e maraude – Michèle Rivasi : une situation de non-droit

1 mars 2021

Samedi 27 février : la situation de ce début de soirée est tendue. Il fait un froid glacial, le vent souffle. Je porte une double paire de moufles, un bonnet…

Dans la neige, les conditions sont extrêmes : même emmitouflée dans des vêtements chauds, j’ai froid. J’imagine l’enfer auquel sont confronté·e·s les exilé·e·s qui marchent dans la montagne : comment survivre à cela ?

Une famille afghane vient d’arriver. Alors que les bénévoles de Médecins du Monde tentent de vérifier l’état de santé des enfants, un bébé de 4 mois et un petit garçon de 3 ans, les forces de l’ordre les interpellent et leur demandent leurs documents d’identité.

Les agents téléphonent alors à la préfecture et font état de ma présence, de notre présence.

Les bénévoles de Médecins du Monde expliquent une énième fois l’impérieuse nécessité d’emmener la famille, les enfants notamment, à l’hôpital de Briançon : ces gens viennent de traverser la montagne, dans la neige ; il fait nuit, ce tout petit bébé a besoin d’être examiné… il faut évidemment vérifier qu’il n’a pas pris froid.

Finalement – la présence de parlementaires n’y est pas du tout pour rien – la situation se débloque : les bénévoles sont autorisés à emmener la famille se faire soigner. Je les accompagne jusqu’à l’hôpital.

Ensuite, nous remontons directement à Montgenèvre. Il est alors 22 heures, je me rends au poste frontière. Je demande à visiter les locaux : la mise à l’abri, les cellules.

Je demande pourquoi la question de l’asile n’est pas abordée lorsque des exilé·e·s sont entendu·e·s. « Il n’est pas question d’aborder la question de la demande d’asile ici » me répond-on. Pour plus de précisions, on me suggère de m’adresser à la préfecture.

J’évoque alors, sans détour, les textes de loi. Je cite notamment l’arrêté du Conseil d’État de juillet 2020 qui confirme bien que oui, quoi que les forces de l’ordre en disent, les exilé·e·s peuvent annoncer qu’elles, ils demandent l’asile à leur arrivée au poste-frontière.

Est-ce que la répression, la militarisation à outrance règlent cette situation indigne et insoutenable ? Non.

À Montgenèvre, les effectifs policiers ont été renforcés, les moyens de surveillance également. Les systèmes de vue, notamment, ont été développés : les forces de l’ordre disposent désormais de jumelles thermiques. Et pourtant…

Cette première maraude nocturne s’achève. Je me prépare à enchaîner avec celle du lendemain matin, en plein jour cette fois, certes, mais dans les mêmes conditions de froid.

 

Ce que je constate :

Depuis 2019, date de ma précédente venue à Montgenèvre, la situation a changé. En cet hiver 2021, je peux témoigner qu’une véritable chasse à l’homme est désormais organisée. De plus en plus de forces surveillent, contrôlent… et refoulent.
Les équipements sont de plus en plus sophistiqués.
Les lois sont sans arrêt contournées.
La réalité est terrible : ce qu’il se passe à la frontière franco-italienne est une situation de non droit.
C’est infernal. Absurde.
Les exilé·e·s prennent de plus en plus de risques.
Les droits humains sont bafoués.
Le droit, les conventions internationales, ne sont pas respectées.

 

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