ACTA: Appel à mobilisation contre une contrefaçon de démocratie
Négocié depuis plus de deux ans dans la plus totale opacité par 37 Etats dont les Etats-Unis, l’Union Européenne (Commission et Conseil), la Corée du Sud et le Japon, ACTA pourrait, s’il est ratifié dans les prochains mois, avoir une incidence dramatique sur l’accès aux savoirs et aux médicaments génériques, le respect des libertés publiques et numériques, la présomption d’innocence ou encore la brevetabilité du vivant. Autant de sujets discutés en dehors de tout débat public et parlementaire et dont la dernière version, bien qu’officiellement actée à Tokyo, reste à ce jour entre les seules mains des négociateurs.
Pour Sandrine Bélier, eurodéputée Europe Ecologie membre de l’Internet Core Group et de la Commission Affaires constitutionnelles:
«Le mode même de négociation est inacceptable. Il augure d’une nouvelle forme de gouvernance qui fait fi des règles de transparence et d’exercice démocratique imposées par le traité de Lisbonne lui-même. Court-circuiter les élus européens et nationaux revient à donner les pleins pouvoirs législatifs à quelques hauts fonctionnaires et lobbies privés, et leur permettre de se partager le monde en toute impunité, tel un petit Yalta. Dans l’article 6.4 de l’accord de Washington (dernière version disponible à ce jour), l’accord dispose en outre qu’après ratification d’ACTA, tout pays signataire pourra déposer un amendement au traité pour en modifier un passage, court-circuitant ainsi tout processus législatif et démocratique établi. En tant qu’élus européens, garants de l’intérêt public, nous ne pouvons accepter cela! N’en déplaise à la Commission et au Conseil, l’exercice démocratique n’est pas synonyme de petits arrangements entre amis réalisés dans le dos de nos concitoyens et de leurs représentants élus au suffrage universel!».
Pour Yannick Jadot, eurodéputé Europe Ecologie, et Vice président de la commission Commerce international:
«Jusqu’au bout, les négociateurs auront travaillé sans aucun contrôle démocratique, refusant de publier les textes, (on attend toujours la version finale issue de Tokyo), alimentant les soupçons et les craintes de ce que le texte recélait. Les seuls exemplaires du texte qui circulaient au sein de la commission Commerce international l’étaient sous le sceau du secret et de la haute confidentialité. Pourtant, les eurodéputés ont marqué depuis le début des négociations leur inquiétude face à l’absence de dialogue et de transparence, avec par exemple une déclaration écrite signée par une majorité de députés européens, et une résolution (le 10 mars dernier). Inquiétude qui semble ne pas impacter outre mesure les décisions des négociateurs, puisqu’il est envisagé aujourd’hui d’augmenter le nombre de participants au traité ACTA à la Chine, au reste de l’Asie et au Moyen Orient… sans faire pour autant davantage de promesses sur la transparence ni s’interroger sur les réels impacts de cet accord.»
Et les deux eurodéputés de conclure:
«Comme l’a déjà rappelé le Parlement européen à de multiples reprises, l’heure est grave. Elus, associations, citoyens, médias, démocrates de tous bords doivent se mobiliser au plus vite, au-delà des clivages partisans, pour faire échec à ce contournement de la démocratie et faire pression sur leurs gouvernements et élus pour qu’ils ne ratifient pas ce texte. A défaut, plus qu’un arsenal contre la contrefaçon, c’est bien plus une contrefaçon de démocratie et des heures sombres pour nos concitoyens que nous promet ACTA!».