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Agenda urbain : faire naître des villes durables et désirables en Europe

23 juin 2011
Le Parlement européen vient d’adopter un rapport sur l’avenir de l’agenda urbain au sein de la politique de cohésion. Une feuille de route qui ne souligne pas assez l’objectif de cohésion sociale, la nécessité d’un désenclavement des quartiers déshérités, et le rôle des villes dans la lutte contre le changement climatique et la maîtrise de l’énergie.
La dimension urbaine a pris beaucoup d’espace ces dernières années dans les débats au niveau européen. Parce qu’elles concentrent 73 % de la population européenne et consomment plus de 70 % de l’énergie en Europe, les villes constituent un prisme des défis sociaux, environnementaux et démographiques qui menacent en permanence la cohésion en matière de développement, qu’il s’agisse de l’étalement urbain, de la congestion, de la précarité et l’exclusion sociale, de la précarité énergétique, de la maîtrise du foncier, de la crise du logement, de la ségrégation spatiale, de la pollution et du réchauffement climatique… La dimension urbaine n’est donc pas un bloc monolithique à aborder sous le seul aspect de la compétitivité économique qui ne saurait être la clé d’un développement équilibré, harmonieux et durable.

La politique de cohésion européenne peut apporter des solutions à ces défis urbains, mais certainement pas seule. Ce sont toutes les politiques ayant un impact territorial qui sont concernées. Et les résultats ne peuvent être au rendez-vous qu’à condition que les pouvoirs publics dans les Etats-membres redoublent d’efforts pour établir et cofinancer de véritables stratégies globales et intégrées.


Dans les institutions européennes, le débat sur l’avenir de la dimension urbaine pour la prochaine période de programmation post-2013 est déjà bien entamé. Le rapport de M. Vlasak que le Parlement vient d’adopter présente plusieurs avancées, mais souligne insuffisamment l’objectif de cohésion sociale et la priorité donnée au désenclavement des quartiers déshérités, de même que le rôle attribué aux villes dans la lutte contre le changement climatique et la maîtrise de l’énergie. De plus, il a tendance à ignorer les apports de la Charte de Leipzig de 2007 : les villes représentent un potentiel architectural et culturel unique, elles possèdent des forces d’intégration sociale considérables et permettent l’équilibre social grâce à la préservation de la diversité culturelle et le maintien d’un lien permanent entre le centre et les périphéries.

Ces aspects sont au cœur d’une politique urbaine qui se doit d’être au service des habitants et avec les habitants. Avec les habitants, en les impliquant dans les processus de décisions, en les consultant régulièrement sur des projets d’aménagement locaux d’envergure. Il faut encourager les initiatives citoyennes, notamment en mobilisant les jeunes dans les quartiers. Le tissu associatif local représente un potentiel inestimable pour le développement des territoires. C’est pourquoi il faut faciliter l’accès aux fonds européens, notamment via une diffusion plus large des opportunités de financement des projets et une simplification des procédures pour leur montage et les contrôles. C’est uniquement en soutenant les partenaires locaux que l’on aboutira à un véritable succès des stratégies de développement intégré.

Un volet urbain au service des habitants, et en particulier dans les quartiers déshérités, en investissant d’une part dans le capital humain et l’accès à la formation pour développer à terme les emplois verts et les innovations, et d’autre part dans l’amélioration du cadre de vie. Il s’agit dès maintenant de promouvoir plus largement une mobilité urbaine durable dans et vers ces quartiers, et assurer un accès plus large aux services publics, en tenant compte de l’évolution démographique. Il s’agit aussi de mieux valoriser les espaces publics et les paysages culturels urbains par la promotion des éco-quartiers et une architecture humaniste et fonctionnelle du bâti.

Enfin, la dimension urbaine ne saurait ignorer plus longtemps la composante essentielle du logement. La réhabilitation du parc de logements récents et anciens qui répondrait aux exigences en matière environnementale et d’efficacité énergétique apparaît dès lors comme une priorité. L’absence actuelle de politique du logement en France, où le gouvernement n’apporte que des réponses médiatiques et insuffisantes face à l’urgence de maîtriser le foncier et la flambée des loyers, obsédé par une idéologie « du tous propriétaires, du chacun chez soi et de l’endettement pour tous ». Comment évoquer dans ces conditions un objectif de mixité sociale ?

Il en va de même pour la politique d’hébergement d’urgence et du droit au logement pour tous, largement sous-estimée pour lutter efficacement contre le sans-abrisme, la pauvreté et l’exclusion sociale. Toutes ces priorités font pourtant partie intégrante de la Stratégie UE 2020 pour l’Europe auquel l’agenda urbain doit être pleinement relié.
L’approche intégrée est donc indispensable pour relever tous ces défis, mais encore faut-il que la gouvernance soit appropriée ! Les villes ne peuvent plus se cantonner à un rôle passif sur des politiques qui les concernent en premier lieu. Il est donc primordial de recourir plus largement à une gestion déléguée aux villes et aux communautés urbaines des enveloppes FEDER dont la possibilité, souvent évoquée, est rarement concrétisée. Cette délégation des responsabilités est une opportunité pour donner plus de visibilité aux projets cofinancés par l’Union européenne, et gagner en efficacité pour répondre au plus près aux besoins des habitants.

Pour ce faire, les villes doivent être mieux accompagnées dans l’accès à l’information pour s’approprier les outils de gestion et d’ingénierie financière. Elles doivent par conséquent être impliquées dans toutes les phases de décision dans le cadre de la politique de cohésion, de la définition stratégique à l’évaluation, aux côtés des partenaires locaux et des experts, notamment pour ce qui est des futurs contrats nationaux de développement stratégique et des contrats de partenariats pour le développement et l’investissement. Les collectivités locales élues ont en effet une responsabilité politique directe en termes de pouvoir décisionnel stratégique et d’investissement des ressources publiques; à condition, bien entendu, que leur montants soient suffisamment garantis par les États membres. En particulier, la réforme des collectivités territoriales en France met à mal aujourd’hui la viabilité de leurs ressources.

C’est par toutes ces conditions que le volet urbain pourra être mené à bien dans la future politique de cohésion, et donner un nouveau souffle à des villes prospères, intelligentes, durables et inclusives.

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