Après le second tour
Le tandem Sarkozy-Merkel a symbolisé jusqu’à présent un cap politique à la tête de l’Europe, caractérisé par trois priorités négatives : privilégier le « chacun pour soi » pour rechercher des solutions à la crise pays par pays, en limitant l’intervention européenne à une « assistance respiratoire » pour les situations les plus précaires, réduire la gouvernance européenne à sa plus simple expression en imposant un leadership intergouvernemental franco-allemand, et enfin imposer une baisse drastique des moyens de l’Union Européenne à l’occasion de la discussion de la prochaine période de programmation 2014-2020.
Le « contre-plan » que la campagne de François Hollande a esquissé, et que les socialistes allemands ont soutenu, vise à renverser ce triptyque : mettre en place les euro-obligations pour relancer une machine économique européenne que les Etats séparément sont incapables de relancer, retrouver les chemins d’une gouvernance européenne plus collégiale, et laisser à l’Union Européenne suffisamment de moyens pour construire une « stratégie 2020 » apte à surmonter la crise. Ce « contre-plan » vient de recevoir un soutien appuyé du Président de la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi, ce qui n’a pas manqué de mettre Nicolas Sarkozy dans une rage extrême.
Ce qui est frappant dans cette campagne, c’est que la crise est à l’origine des comportements des électeurs, d’un côté en les portant vers le vote protestataire, symptôme d’une inquiétude populaire profonde, à un niveau jamais atteint (près d’un tiers des voix pour Le Pen, Mélanchon et l’extrême gauche officielle), et d’un autre côté en assurant in fine la chute du sortant comme partout ailleurs en Europe. Mais, paradoxalement, la solution à la crise n’a occupé qu’à la marge le débat politique officiel. Les thèmes qui ont monopolisé les médias sont l’immigration, l’insécurité, et autres débats latéraux, quand l’interrogation réelle porte sur l’avenir, et sur la capacité de celui qui en aura, en France, la principale responsabilité. Saura-t-il conduire une politique plus efficace et moins pénalisante pour les plus démunis que le chômage et la pauvreté mènent au désespoir ? C’est toute l’interrogation d’une population désorientée, d’autant plus déboussolée qu’elle habite dans les « zones sensibles » qui ne sont pas toutes des zones urbaines, notamment cet intérieur de la Corse où l’abandon total ressenti par les populations a conduit à des votes extrêmes.
Il est vrai que l’élection présidentielle est par définition éloignée des préoccupations de la société corse. Mais ces électeurs sont profondément corses qui ont fait le choix d’un parti dont les positions sont les plus anti-corses de l’échiquier politique français ! Cela doit interpeller bien évidemment les dirigeants politiques de toutes les tendances, à commencer par les nationalistes.
François Hollande pourrait donc être un choix « in extrémis » pour beaucoup d’électeurs en France. Je souhaite qu’il le soit en Corse aussi. Ce qui plaide pour lui c’est finalement son programme pour sortir de la crise : l’éviction de la politique « Merkozy » est essentielle au futur de l’Europe, et elle commence par l’éviction de Nicolas Sarkozy. C’est aussi sa personnalité auquel trente années de présence à la tête de la gauche française n’accroche aucune ambiguïté dans la conduite de sa vie publique. Et c’est enfin une option possible pour relancer le dialogue à propos de l’avenir de la Corse.
Pour que cette option soit ouverte, avec l’aide des ministres Europe Écologie qui intégreront le futur gouvernement, il faut remplir un préalable politique pour le mouvement nationaliste : réussir de bonnes performances aux législatives. Ce que Femu a Corsica, dans la foulée de l’élection de 2010, peut réussir dès le 16 juin prochain. Pour nous, ce « troisième tour » sera le plus important.
François ALFONSI