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Copenhague: décrypter la bataille des chiffres (MàJ)

12 décembre 2009
La police danoise s’est livrée à une véritable démonstration de force, samedi 12 décembre, lors de la grande manifestation à Copenhague demandant le meilleur accord possible sur le climat. Tandis que les agences de presse faisaient état de la présence d’environ 300 casseurs en queue du cortège, ce sont au total 968 personnes qui ont été interpelées et retenues par les forces de l’ordre dans des conditions décriées, avant d’être presque toutes relâchées avant l’aube.
la réponse des pays émergents au texte de la présidence danoise

Seules 13 personnes étaient encore en détention dimanche 13 décembre dans le centre spécial de Retortvej à Valby, établi par la police à l’occasion de la tenue du sommet mondial. Trois d’entre eux, deux Danois et un Français devaient être présentés dans la journée à un juge pour violences contre des policiers dans l’exercice de leurs fonctions.

Nous allons beaucoup parler «chiffres» pendant la négociation à Copenhague. Ils seront même l’enjeu d’une bagarre à laquelle personne ne comprendra rien. Si vous ne devez retenir qu’une référence scientifique – celle fixée par le Giec (groupe d’experts sur l’évolution du climat, rattaché aux Nations unies), nous devons réduire nos émissions de CO2 de 25 à 40% à l’horizon de 2020 pour avoir l’entière assurance de ne pas dépasser une augmentation de 2 degrés avant la fin du siècle. En deçà, nous n’avons pas l’assurance que nous éviterons l’emballement du dérèglement climatique et la catastrophe humaine liés à ce changement trop rapide pour nous permettre toute adaptation.
Quel est l’enjeu du rendez-vous de Copenhague?

L’ensemble de la communauté internationale réunie à Copenhague souhaite conclure un accord global sur la lutte contre le réchauffement climatique et répondre à ce défi: ne pas dépasser cette augmentation de température globale de 2 degrés. Cet accord succèdera au protocole de Kyoto, élaboré en 1997, mais entré en vigueur en 2005, qui imposait aux 38 pays les plus industrialisés, considérés comme historiquement pollueurs, une réduction de 5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à celles de 1990 d’ici à 2012. Les pays en voie de développement étaient, jusqu’à présent, dispensés de tout engagement quantifié de réduction de leurs émissions. Ce traité a été ratifié par 174 Etats, les Etats-Unis s’y étant toujours refusés.

L’enjeu de ce nouveau sommet est donc de renforcer et d’élargir les mesures prises par les nations industrialisées, en amenant les Etats-Unis et les grands pays émergents à s’engager sur cette voie. Et c’est notamment là que les difficultés commencent: les gouvernements vont devoir s’accorder sur le calendrier, sur la répartition de l’effort à consentir, sur les mécanismes permettant de réduire nos émissions de CO2.
Beaucoup, dont les Etats-Unis et la Chine, les deux plus grands pollueurs, avancent doucement. Les pays en voie de développement sont prêts, de leur côté, à concéder des actions nationales de réduction des émissions à condition de recevoir, en contrepartie, une aide financière des pays riches. Point d’achoppement supplémentaire, et non des moindres.

Les indicateurs d’évaluation du sommet

Les pays industrialisés représentent 25% de la population mondiale et 50% des émissions de GES. Les pays du nord, dits pays industrialisés, ont une double responsabilité impliquant une double obligation: une responsabilité historique au regard du volume considérable de GES qu’ils ont émis pour asseoir leur développement, et une responsabilité éthique.

Nos émissions au nord causent les changements climatiques les plus marquants dans les pays en développement, particulièrement ceux d’Afrique. Les pays industrialisés se doivent, en sus de s’engager sur la réduction de leurs émissions de CO2, de soutenir fortement (par des flux financiers et technologiques) les pays en développement dans leurs efforts pour faire face au changement climatique et pour limiter leurs émissions de GES. C’est là que se jouera la seconde bataille de chiffres, après celle de l’engagement en pourcentage de réduction d’émission de GES: quel montant les pays du nord accorderont-ils aux pays du sud? C’est une des phases les plus délicates des discussions de la négociation à Copenhague.

D’ici à 2020, 120 milliards d’euros par an: telle est l’estimation des investissements nécessaires pour soutenir les pays pauvres face au changement climatique mondial et à ses conséquences. Montant sur lequel les Américains et les Japonais refusent pour l’instant de se prononcer, clé de répartition et engagement des uns et des autres sur lesquels les 27 de l’Union Européenne n’ont pour le moment pas statué. Mais des chiffres bien plus alarmants sont lancés. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que l’investissement massif dans les énergies renouvelables devrait atteindre 7.000 milliards d’euros d’ici à 2030 pour éviter des «dommages irréparables» sur le climat.

Alors, la question la plus épineuse reste bien sûr de savoir qui va payer? Les pays riches, puisque ce sont eux qui polluent le plus, disent les pays pauvres. Les pays qui ont fait le moins d’efforts jusqu’à présent, clament les signataires du protocole de Kyoto, visant notamment les Etats-Unis ou la Chine. Les gouvernements des pays «riches», qui voient mal comment présenter l’addition à leurs concitoyens, surtout en pleine crise sont restés jusqu’à présent discrets. La proposition des écologistes pour la résolution du parlement européen de taxer les transactions financières a été trop simplement rejetée… même par la majorité UMP/PPE.
Enjeux clés pour un accord climatique de l’ONU

A/ Réduction des émissions dans les pays industrialisés
L’accord international doit inclure des objectifs chiffrés pour les pays industrialisés: réduction des émissions à la fin du 4e rapport d’évaluation du Giec de 25-40% d’ici 2020 à partir des niveaux de 1990 – celles-ci devant être délivrées localement, et non par l’achat de compensations.

B/ Réduction des émissions dans les pays en développement et financement
Les pays industrialisés attendent des pays en développement de réduire leurs émissions de 15-30% avant 2020. Ceci suppose un partage de responsabilité des efforts climatiques internationaux basé sur les émissions historiques et actuelles. La richesse économique implique un financement additionnel de 120 milliards d’euros d’ici 2020 par les pays industrialisés. Le financement par les pays industrialisés pour la compensation dans les pays en développement doit être supplémentaire aux objectifs de réduction domestique et non les compenser. Le cadre politique international doit assurer un financement indépendant et prévisible. La répartition pour un partage juste de cet effort financier pour la compensation et l’adaptation des pays en développement devra être fixées et chiffrée.

C/ Un accord légalement contraignant et applicable
Pour être efficace, tout accord international doit être contraignant. Copenhague doit marquer la préparation de l’ère postpétrolière. Et si les négociations ne devaient pas déboucher sur un accord juridiquement contraignant, le sommet de Copenhague peut échapper au constat d’échec s’il ressort des négociations un texte qui engage les pays sur des objectifs chiffrés, un calendrier de mise en œuvre et un mécanisme d’exécution. Le processus d’élaboration pourra se poursuivre sur cette base pour aboutir à Mexico, fin 2010, à la signature d’un accord juridiquement contraignant cette fois.

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