Désinvestissement carbone: la mobilisation gagne du terrain
Ce rendez-vous, à quelques semaines de la COP 21 à Paris, se voulait un point d’étape essentiel dans la campagne mondiale, associative et citoyenne, lancée aux États-Unis à l’automne 2012, pour inciter tant les grandes entreprises et les institutions internationales que l’ensemble des pouvoirs publics à cesser d’investir dans les énergies fossiles. Car si désormais, tout le monde ou presque s’alarme de l’aggravation de la crise climatique, il n’y a pas encore suffisamment d’actes concrets de la part des décideurs pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique : en 2015, la capitalisation boursière des entreprises du charbon, du pétrole et du gaz représente toujours plus de 5 000 milliards de dollars dans le monde, et chaque heure qui passe les grands groupes énergétiques continuent de dépenser quelque 75 millions de dollars pour trouver de nouveaux gisements d’hydrocarbures. Or comme le dit très justement l’activiste américain fondateur de 350.org, Bill McKibben: « Nous devons choisir : le climat ou l’industrie fossile. »
Des intervenants de prestige interviennent tout au long de la journée, devant une salle bondée, tant pour dresser le bilan de ce que la campagne a d’ores et déjà permis en termes d’engagements concrets à désinvestir dans les énergies fossiles que pour aborder la suite. La Secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts Emmanuelle Cosse, invitée à introduire la journée, rappelle tout d’abord très justement qu’« il ne peut pas y avoir de lutte contre contre le dérèglement climatique sans sortie des énergies fossiles ». Bill McKibben intervient ensuite avec un discours sans concession: il rappelle que si « chaque semaine, nous assistons à de nouveaux désengagements des investissements dans le pétrole, le charbon et le gaz », rien aujourd’hui ne « garantit que la campagne de désinvestissement parvienne à ses fins au niveau mondial ». Mais néanmoins il affirme avec force que « continuer à ne rien faire est un crime contre l’humanité ».
Il y a d’ores et déjà aujourd’hui une multitude d’exemples concrets de désinvestissements carbone qui fonctionnent, dans le sens ou non seulement ils contribuent à lutter contre le dérèglement climatique, mais de surcroit ils s’avèrent de plus en plus avantageux en termes économiques. C’est ce qu’expliquent exemples à l’appui tant Marjan Minnesma, la directrice de l’ONG néerlandaise Urgenda, qu’Olivier Rousseau, directeur exécutif du Fonds français de Réserve pour les Retraites, Pascal Canfin, ancien ministre français du développement et travaillant désormais pour le World Resources Institute, que Stephen Heintz, président du Rockefeller Brothers Fund, May Boeve, directrice exécutive de 350.org, que le révérend Hendrik Grape, de l’Eglise de Suède… Toute une kyrielle d’actrices et acteurs majeurs de cette vague du désinvestissement enchaînent les prises de parole en tribune, avec également par vidéo un message de soutien du Prix Nobel de la Paix Desmond Tutu.
En tout, ce sont déjà 220 institutions qui ont pris part au mouvement de désinvestissement. Les grandes universités américaines et britanniques comme Yale, Stanford, Glasgow ou Oxford ont été pionnières en 2012, suivies par le fonds Rockefeller Brothers, le Guardian ou plus récemment la ville de Newcastle en Australie. En France, le fonds Ethique et Partage, géré par la société de gestion Meeschaert, et l’ONG CCFD, est le premier fonds français à exclure les énergies fossiles.
Nicolas Hulot (envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète) et Yannick Jadot concluent tous les deux cette journée décisive, moins de 100 jours avant le début de la Conférence de Paris sur le climat. Nicolas Hulot rappelle que des engagements peuvent et doivent être pris avant la COP21, lors du prochain G20 notamment, et dénonce les subventions accordées par les Etats aux énergies fossiles. Yannick Jadot souligne quant à lui qu’« en matière de climat, le futur nous rattrape et le passé nous paralyse ». Il en appelle donc à contribuer à changer d’imaginaire pour « porter un message de libération des États, prisonniers des entreprises des énergies carbone », concluant sur un message d’espoir: « Ne nous replions pas sur un « c’était mieux avant », inspirons la société pour dire combien ce sera mieux demain ! »
Après cette journée, tous les participants sont d’accord: la campagne de désinvestissement est une campagne de libération, au sens noble du terme. Alors le combat continue.
* Pour aller plus loin:
Écrivez une lettre pour demander à votre banque d’investir votre argent dans les énergies renouvelables:
Pour plus de détails sur la conférence et la campagne de désinvestissement:
http://europeangreens.eu/divestconference/francais
Revue de presse :
http://www.liberation.fr/economie/2015/09/01/climat-le-ccfd-terre-solidaire-ne-financera-plus-les-energies-fossiles_1373638
http://www.lesechos.fr/journal20150902/lec1_monde/021296032437-nouvel-appel-a-desinvestir-dans-les-energies-fossiles-1149781.php
http://www.usinenouvelle.com/article/le-desinvestissement-l-arme-des-ecologistes-contre-les-energies-fossiles.N347107
http://www.ouest-france.fr/paris-un-appel-contre-le-financement-des-energies-fossiles-3653145
http://www.euractiv.fr/sections/developpement-durable/le-sortie-des-energies-fossiles-progresse-lentement-317268