L’Europe ne peut plus dire aux Grecs « marche ou crève »

10 mai 2012
En cette journée de l’Europe, ce 9 mai 2012, Daniel Cohn-Bendit est intervenu en session plénière pour dénoncer la frilosité européenne actuelle et critiquer les politiques d’austérité. Redoutant les scénarios fascisants propices à la xénophobie, il appelle les autorités européennes à un sursaut fédéral pour sauver nos économies, mais surtout nos démocraties.

Daniel Cohn-Bendit / 9 mai 2012 par EurodeputesEE

« Si l’on parle du 9 mai, si l’on parle de l’Europe et de tout ce que l’on a réussit, et bien il faut parler de ce que l’on doit réussir pour que l’avenir appartienne aux citoyens européens.

Je crois qu’il ne faut pas prendre à la légère ce qu’il se passe aujourd’hui dans les élections. Parce que s’il y a un déficit démocratique en Europe, il faut l’affronter.

Si l’Europe fédérale que nous voulons, si l’Etat doit être démocratique, et bien il faut qu’elle soit capable de répondre aux citoyens.

Quand je vois aujourd’hui les élections en Grèce, et quand j’entends ce que dit la Banque centrale, comme quoi « Il n’y a pas d’alternative à ce qui a été décidé », je dis à la Banque Centrale Européenne :

« Attention, rappelez-vous l’histoire européenne, l’histoire de l’Allemagne, le traité de Versailles. Quand on dit aux peuples qu’il n’y a pas de solution, qu’il n’y a pas d’autre solution, et bien les peuples trouvent parfois des solutions horribles. »

Nous avons une responsabilité à nous rappeler l’histoire.
Quand quelqu’un dit: « En démocratie il n’y a pas d’alternative », et bien il se trompe. La démocratie c’est toujours la recherche d’alternative sinon ce n’est pas la peine de faire de la politique.

Si nous ne voulons pas que la Grèce vote deux fois, trois fois, quatre fois… jusqu’a temps qu’ils se mettent à genoux et qu’ils demandent « Pardon, Pardon à l’Europe », et bien il faut que l’on ouvre ce mémorandum, qu’on discute de ce mémorandum, qu’on propose quelque chose au peuple grec.

Si on ne leur propose rien, alors la prochaine élection donnera exactement la même chose. Ouvrir le mémorandum ça n’est pas dire qu’il ne faut pas faire des réformes structurelles, c’est juste dire qu’il faut que le peuple grec soit capable de suivre le rythme des réformes.

Les grecs ne doivent pas être étouffés, étranglés, affamés par les politiques que nous leur imposons. Si nous n’arrivons pas à donner des réponses, alors ils donneront des réponses ultra fascistes, ultra réactionnaires, ultra nazi, ultra stalinienne, ultra ultra et ce sera contre nous.

Deuxièmement, le peuple français a voté.

Et je ne comprends pas la réaction des autres européens… on ne va quand même pas dire au peuple français qui vient de voter, après une élection tendue : « Que ça soit Hollande ou Sarkozy, vous devez faire la même chose. » Si c’est le cas, alors ça n’est pas la peine de voter, ça n’est pas la peine de faire quoi que se soit.

Si le peuple français dans sa majorité qui n’est pas immense, et la situation sera très difficile, décide qu’il faut changer, et bien c’est à toute l’Europe de se demander comment changer.

Si M. Monti écoute bien ce qu’il se passe en Italie, et on l’a vu aux élections municipales, il faut que ça change aussi un peu en Italie.
Et en Espagne, M. Rajoy sait aussi, qu’il faut que ça change un peu en Espagne.

Il est évident aujourd’hui qu’il n’est pas question de répéter toujours la même chose entre stabilité, croissance, etc. Il faut donner de l’espoir au peuple européen. Cet espoir ne peut pas venir par les budgets nationaux.
Nous européens, nous devons prendre dans nos mains l’espoir pour le peuple européen. L’espoir c’est quoi?
C’est un budget européen, ce sont des ressources propres, c’est renforcer la Banque européenne d’investissement (BEI), c’est faire un levier et mettre sur pied un programme pour un Green New Deal, pour une transformation écologique de l’économie européenne, pour créer de l’emploi, et s’il le faut en empruntant par la BEI, en lançant l’économie.

Après avec le budget européen que nous aurons, l’on pourra rembourser en partie ce lancement.

Si nous ne relançons pas l’économie européenne, si on s’arrête, si on dit que « Non, non, tout va bien… », l’économie néolibérale nous a amené contre le mur. Il faut le dire. Si nous ne changeons pas le rythme de nos économies, nous irons tous droit dans le mur.

On dit qu’il y a un danger pour l’économie. Il y a un autre danger; le danger pour la démocratie. Si les peuples ne nous croit plus capables de maitriser nos vies, de maitriser les changement nécessaires, l’histoire nous montre, que les peuples ne vont pas vers la révolution qui va tous nous sauver… mais ils nous amènent vers l’horreur.

Nous avons une responsabilité démocratique à démontrer aujourd’hui, qu’il y a une possibilité de rééquilibrer nos politiques européennes, de mettre le budget européen, de mettre l’Europe au centre justement de la transformation nécessaire, pour que les peuples européens disent « oui, on a eu raison il y a 60 ans de créer l’Union Européenne. »
Il faut redéfinir cette maison et alors l’avenir nous appartiendra, sinon l’avenir appartiendra aux marchés, mais n’appartiendra pas au peuple européen. »

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