Jadot: Copenhague, «un jeu de poker menteur, au final perdant» Interview

18 décembre 2009
Ex-directeur des campagnes de Greenpeace France, le député européen (Europe Ecologie), Yannick Jadot, répond à depuis la conférence de l’Onu sur le climat.

Eurodéputé (Europe Ecologie), Yannick Jadot, estime que la conférence de l’Onu sur le climat risque de se conclure sur «un mauvais accord, avec de mauvais chiffres» et regrette le silence de Nicolas Sarkozy, jeudi devant la conférence de l’Onu, sur les engagements des pays riches d’ici à 2020 et la nécéssité d’un «texte juridique contraignant».

Qu’avez-vous pensé du discours du président de la République?

Pour reprendre sa formule, «qui osera dire» qu’il n’a pas du talent pour discourir?! Mais «qui osera dire» qu’il n’a pas répété un certain nombre de vérités déjà actées, comme la limitation du réchauffement à 2 degrés d’ici à la fin du siècle ou l’enveloppe de 100 milliards? Il a énuméré, malheureusement, des platitudes qu’il n’est pas idiot de redire mais ne justifient pas un tel volontarisme sur la forme. En évoquant un «chapeau politique», il a surtout semblé acter la fin des négociations à Copenhague.

D’autre part, il a rappelé les objectifs à long terme, de 50% – de manière globale – à 80%, pour les pays riches, de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ce qui est bien même s’il se trouve dans la fourchette basse, les préconisations de scientifiques se situant désormais entre 80 – pour l’ensemble des Etats – et 95% pour les pays riches. En revanche, il est resté muet sur les engagements pour 2020. Enfin, il a parlé d’un «texte juridique» et non d’un texte juridique contraignant, qui est le noeud de la négociation climatique.

Le pessimisme semble dominer à la veille de la clôture du sommet. Et vous, à quel scénario vous attendez-vous demain?

On sait qu’il sortira au moins une déclaration politique. De toutes façons, on ne peut pas être en-dessous. Il y a une version qui circule ici: certains dirigeants de pays riches auraient acté, le 9 novembre dernier, en marge de la commémoration de la chute du Mur, à Berlin, que le résultat du sommet de Copenhague serait la somme des engagements nationaux des pays riches en y incluant tous les critères que l’on pouvait «ramasser». Et ce pour arriver à un engagement autour de 24-25% de réduction des émissions de GES, afin de s’inscrire dans les prévisions des scientifiques. En réalité, il ne s’agirait que d’une réduction, environ, de 10%, si l’on ne tient compte que des efforts vraiments sérieux.

Ce sera donc probablement un mauvais accord, avec de mauvais chiffres bourrés d’échappatoires et de magouilles.


Pourquoi en arrive-t-on là? Quels sont les responsables de cette situation?

Beaucoup de monde, en réalité. Les Danois, qui ont souvent mis sur la table des textes pro-américains, n’ont pas vraiment fait le boulot. Et surtout, il n’y avait pas la volonté commune de trouver un accord à la hauteur des enjeux. Chacun a lancé ses initiatives de son côté, qui donnent l’illusion de faire vivre la négociation mais, en fait, brouillent le message. La France a eu, quelque part, un double langage: elle a exprimé et communiqué son volontarisme mais dans les négociations, dans le cadre de l’UE, n’a pas vraiment poussé pour une réduction à 30% d’ici 2020 (engagement pour l’Union européenne) pour s’y rallier finalement. Et elle faisait partie des pays qui ne voulaient pas chiffrer l’aide aux pays du Sud. L’Europe, en définitive, n’a pas pris le leadership. De leur côté, les Américains ont bloqué sur à peu près tout. C’est un jeu de poker menteur, finalement perdant.

Bref, cela fait deux ans que l’on négocie pour un aboutissement un peu lamentable. Mais si les chefs d’Etat affichent leur volonté absolue de sauver le climat, les négociateurs n’avaient pas de mandat pour avancer.

Sur l’aide aux pays du Sud, y a-t-il eu des progrès?

A priori, on partirait sur un fast start (financement immédiat pour aider les pays émergents à lutter contre le réchauffement climatique, ndlr) autour de 25-30 milliards de dollars. C’est une avancée même si l’on sait qu’il s’agit, pour une part, d’argent recyclé. Il y a un geste de solidarité en direction des pays du Sud pour initier des mécanismes financiers de soutien. Mais sur l’enveloppe globale de 100 milliards, on ne connaît pas le cadre ni les modalités.

Quelles sont les suites à donner au sommet?

Il faut absolument un «après-Copenhague» pour aboutir à un accord contraignant. Pour cela, il faudra donner un véritable mandat aux négociateurs. Les Européens sont sur cette ligne. Mais est-ce que les autres – particulièrement les Américains – cèderont? C’est tout le débat. Après, c’est un processus de négociations qui va se poursuivre, en fonction de la déclaration qui va sortir de Copenhague.

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