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José Bové : « L’important, c’est d’agir »

15 septembre 2009
Elu député européen le 7 juin dernier avec Europe Ecologie, José Bové tente aujourd’hui l’expérience d’être à la fois dehors et dedans les institutions. Place de l’écologie politique dans l’échiquier politique, lutte contre le capitalisme, nouvelle politique européenne, union de la gauche de gauche : autant de questions qu’il cherche à résoudre.

Vous avez été élu député européen en juin dernier, sur la liste Europe Ecologie. Trois mois plus tard, quel est votre sentiment sur cette période et le fait d’être passé du rôle de leader du mouvement social à celui de député européen ?

José Bové. Je vis cela plutôt bien. Mon premier sentiment est que je suis content. Parce que quand une telle dynamique se met en place et qu’en plus, elle obtient un tel succès à l’arrivée, cela veut dire que c’est possible. Il y a eu une vraie adhésion populaire. Mais en même temps, serons-nous capables d’assumer ce qu’on a fait, de construire et de ne pas décevoir ? Y compris par rapport à nos engagements en ce qui concerne le Parlement européen. Nous avons mené la campagne sur un projet. Maintenant nous sommes au pied du mur. Europe Ecologie, ce n’est pas simplement un bon coup politique. Quand, comme moi, on s’est beaucoup investi sur des dossiers concrets, quand on mène des batailles comme celle que nous avons menée contre l’OMC, ce qui compte, c’est d’arriver à des résultats visibles, à être efficace. Au Parlement européen, allons-nous être capables d’y arriver ? C’est un vrai défi à relever.


Justement, avec vos pratiques issues du syndicalisme et du militantisme, comment envisagez-vous de travailler en tant que député européen ?

J.B. Le premier jour de notre entrée en fonction officielle, le 14 juillet à Strasbourg, il y avait 1 500 paysans producteurs de lait avec leurs tracteurs et leurs vaches devant le Parlement. Nous avons donc commencé dans la rue. Puis, j’ai imposé à la commission agriculture, dont je suis vice-président, qu’à sa première réunion, les producteurs paysans européens soient invités à présenter leurs revendications et qu’il y ait un débat avec les députés. Jusque-là, cela ne s’était jamais fait. Tout cela me paraît complètement cohérent comme fonctionnement. Je ne suis pas là pour me substituer aux copains syndicalistes mais il faut faire jouer notre complémentarité. Etre parlementaire, ce n’est pas être un béni oui-oui, un notable.

Est-ce que cela veut dire qu’avec les autres députés d’Europe Ecologie issus du mouvement associatif, vous avez mené une réflexion en termes de stratégie d’action, face à cette énorme machine qu’est l’Union européenne ?

J.B. Oui. Pour se répartir les fonctions, nous nous sommes interrogés sur ce qu’on avait envie de faire et sur nos légitimités. C’est très important car nous avons aussi été élus en raison de nos pratiques. Ce qui veut dire que les délégations que nous obtenons ou les commissions dans lesquelles nous siégeons doivent être cohérentes avec nos pratiques. C’est pour cela que je suis dans les commissions agriculture et commerce international. Ensuite, nous avons effectivement des objectifs fixés en termes de calendrier. La priorité des mois à venir, c’est le sommet de Copenhague sur le climat, pour que Copenhague devienne le Seattle du climat. En tant que parlementaires européens, nous devons être capables de faire bouger les lignes. Mais je ne sais pas si on y arrivera. Il faut déjà trouver des majorités au sein des commissions, ensuite faire en sorte que le Parlement vote nos propositions. Ce qui se joue, c’est à la fois la question de la visibilité de nos positions et aussi la capacité du Parlement à les suivre. Et même si on n’a pas toujours les majorités nécessaires, l’important, c’est d’agir. Ce n’est pas parce qu’on est député qu’on n’est plus citoyen. Il faut jouer de cette dualité. Des gens comme moi, Yannick Jadot ou Sandrine Bélier (1), nous ne sommes pas des institutionnels au départ. Ce qui implique dans notre réflexion un rapport différent au pouvoir et à l’Etat. En France, ce n’est pas un débat neutre. La gauche s’est construite sur le culte de l’Etat. Et elle a toujours nié l’autre partie de la gauche, cette gauche antiautoritaire, qui ne met pas l’Etat au centre. Faire de la politique en remettant en cause la centralité de l’Etat, ce n’était pas évident. Sauf qu’avec la mondialisation, avec l’autonomisation des multinationales et de la sphère économique, on se rend compte que l’Etat n’est plus le lieu où se font les régulations.


Disons que l’Etat n’a plus le même rôle, il n’arbitre plus de la même façon, mais il joue toujours un rôle clé.

J.B. Oui, mais il suffit de voir ce qui se passe avec les conflits actuels contre la fermeture des usines. L’Etat ne fait rien. Comme la gauche au pouvoir n’avait rien fait non plus. Globalement, pas un Etat ne dira aux entreprises qu’elles n’ont pas à licencier ou qu’elles ne doivent pas délocaliser. L’Etat peut être à la fois un élément d’expansion du capitalisme et un outil d’opposition pour que les bénéfices du capital servent des questions sociales. Aujourd’hui, on n’a pas d’outils équivalents au niveau international. Et contrairement à ce que racontent des gens comme Pascal Lamy (2), ce n’est pas l’OMC qui joue ce rôle de régulation du grand capital. C’est d’ailleurs toute la bagarre que nous avons eue avec le PS sur la mondialisation.

Votre présence au sein d’Europe Ecologie a été dénoncée par une partie de la gauche antilibérale et vous a valu des accusations de « traîtrise ». Comment percevez-vous ces critiques venues d’une gauche que vous avez incarnée ?

J.B. Et dont je fais partie. Je crois qu’il faut resituer tout ce débat dans une période allant de 1998 à aujourd’hui. Ces attaques, je les ai trouvées un peu blessantes et vraiment pas saines. Nous, je veux dire la Confédération paysanne, avons été, en 1997-1998, les premiers à monter au créneau sur la question de la mondialisation et de l’OMC, après avoir dénoncé l’AMI, le GATT (3). En tant qu’organisation syndicale, on a mené cette bataille et on a contribué à la rendre populaire. Grâce à ce travail, le mouvement altermondialiste a pu sortir d’un cénacle d’intellectuels qui avaient une légitimité, mais étaient incapables de faire comprendre aux gens ce que cela signifait dans leur vie quotidienne. Il y a eu Seattle, le Mac-Do, Gênes… Il y a eu le rassemblement de l’été 2003 contre l’OMC sur le plateau du Larzac où quand même 300 000 personnes étaient présentes. C’est d’ailleurs à la clôture de ces trois jours que nous avions clairement dit que nous ne voulions pas organiser le mouvement alter derrière une seule bannière ou une seule charte. Ensuite, il y a eu la bataille du TCE. Toutes ces batailles, où il s’agissait très clairement de dénoncer un modèle économique, on y a cru. Il y a eu ensuite les collectifs antilibéraux, avec les organisations politiques qui ont tout fait pour sauvegarder leurs boutiques. Et enfin, l’élection présidentielle, où j’ai assumé de représenter une partie des collectifs. Cette campagne a eu au moins l’avantage de défendre l’idée qu’un citoyen de base, sans organisation, pouvait porter un message dans l’élection présidentielle. C’était une gageure totale. Après, la logique des appareils a encore repris le dessus. Le seul endroit qui me permette de faire le lien entre tous ces combats que nous avons menés, de manière cohérente, c’est Europe Ecologie. Je n’ai pas du tout l’impression que ce que je fais aujourd’hui est en opposition avec ce qu’on a fait auparavant. Bien au contraire. C’est un lieu de débat, donc nous n’allons pas discuter uniquement avec des gens avec qui nous sommes d’accord. L’idée, c’est de construire. Dans le respect. Et à Europe Ecologie, nous ne sommes pas dans une ambiance où le plus proche de toi est ton pire ennemi. C’est terrifiant, cette logique-là.

Comprenez-vous néanmoins que certains puissent y voir le signe que vous avez « abandonné » le combat contre le TCE ? Le leader d’Europe Ecologie, Daniel Cohn-Bendit, a ardemment défendu le Traité, comme toute une partie des Verts, même si le parti était divisé sur la question…

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