«L’Europe garde le leadership dans les négociations, mais a perdu son ambition»
Quel est le rôle de l’Union européenne dans le cadre de la Conférence sur le climat de Paris ?
L’Union européenne négocie pour le compte des 28 États qui la composent. Historiquement, elle a toujours eu un rôle extrêmement important, celui de leader face aux États-Unis et à la Chine qui, eux, n’ont pas d’intérêt à tirer la négociation vers le haut. Le fait qu’elle assume ce leadership n’est pas en soi une garantie de succès des négociations, mais n’en demeure pas moins une condition sine qua non. Car l’Europe est la seule, avec les pays du Sud, à se battre, par exemple, pour que la COP aboutisse à un accord le plus contraignant possible. Certes, on sait aujourd’hui qu’on n’obtiendra pas à Paris de mécanisme de sanctions pour les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements. C’est un recul. Mais l’Europe reste essentielle pour défendre le principe que tous les engagements volontaires qui seront mis sur la table soient suivis et vérifiés dans un souci de transparence et de crédibilité. Elle se mobilise aussi pour que les accords reconnaissent le principe de responsabilité commune mais différenciée entre les pays. Tout le monde doit agir, mais les pays du Nord ont une responsabilité beaucoup plus forte que les pays du Sud.
L’Union européenne est-elle tout aussi exemplaire sur le plan de ses propres engagements ?
Elle l’a été. Elle s’est ainsi dotée de ce qu’on appelle le «paquet climat énergie». Adopté en 2008, il fixait pour l’Europe, à l’horizon 2020, des objectifs chiffrés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables et d’amélioration de l’efficacité énergétique. C’est en raison de ce paquet qu’entre 2008 et 2011, l’Europe a approuvé des lois sur l’efficacité énergétique des bâtiments, sur l’éco-conception des produits électroniques et qu’elle a encouragé le développement des énergies renouvelables, prenant ainsi pendant quelques années le leadership de la transition énergétique au niveau mondial. Cette ambition aujourd’hui s’est perdue. Malgré la pression du Parlement européen, on assiste ces dernières années à une forme de contre-révolution énergétique portée par les États sous l’influence directe des géants des énergies fossiles et nucléaire, qui voient leurs rentes et leur pouvoir politique et économique mis en danger. Car les énergies renouvelables n’ont jamais été aussi compétitives et les dispositifs d’économie d’énergie aussi performants. Résultat de ce lobbying, l’adoption en 2014 d’un «paquet climat énergie 2030» très insuffisant, qui a mis un terme au leadership européen.
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