Hélène Flautre : « L’opposition à Kadhafi a créé des solidarités nouvelles impressionnantes »
– Dans quels domaines l’Union européenne peut-elle apporter son concours à la Libye ?
« La révolution a ou va gagner. Le régime de Kadhafi est à terre. Le Conseil national de transition (CNT) a tout un tas de demandes. J’ai rencontré le vice-ministre des Affaires étrangères et l’Union européenne peut, par exemple, apporter son concours dans le domaine de la gestion des frontières (formation de douaniers…) au sud, du développement de la société civile et de médias libres et pluralistes. »
– Quelles sont les priorités du CNT ?
« Ce sont clairement les jeunes. Ils ont été très nombreux à participer aux combats et sont armés. Il existe une sorte d’exaltation collective d’avoir mené au bout cette bataille commune. Celle-ci va retomber il faut donc offrir des perspectives. La démilitarisation, via un programme de l’ONU post-conflit, est capitale. Les étudiants doivent repartir dans les facs. Et on doit pouvoir proposer aux autres de repenser à l’avenir, aux volontaires d’intégrer l’armée ou la police… »
– La situation des femmes, un de vos combats, peut-elle évoluer favorablement ?
« J’ai plaidé pour elles. Il faut saisir cet élan politique pour permettre que ces personnes, qui ont aussi contribué à la révolution, aient les moyens de participer à l’élaboration de la nouvelle Libye. Beaucoup de femmes ont été violées durant la guerre. On est très loin de l’égalité hommes-femmes dans une société où subsistent la polygamie et la répudiation. Mais j’ai rencontré beaucoup de filles qui veulent développer des projets. Elles demandent notre aide. L’Union doit répondre. Profitons de cette bataille pour en faire une conquête du mouvement pour les femmes. »
– La société libyenne peut-elle se rebâtir sur de bases démocratiques (1) ?
« Le CNT est très composite, doit trouver des compromis dans ses diversités territoriales, culturelles, ethniques, confessionnelles… Mais l’opposition à Kadhafi a créé des solidarités nouvelles, efficaces et impressionnantes. »
– Avez-vous des inquiétudes sur cette transition ?
« Toute révolution ouvre des hypothèses multiples. Ce n’est clairement pas gagné. Les interlocuteurs que j’ai rencontrés m’ont semblé sérieux. Ils comprennent les enjeux et se disent parfaitement attachés aux droits fondamentaux, à la justice, y compris transitionnelle. Cela augure d’une vraie capacité de réconciliation. »
(1) Le CNT a annoncé hier que la formation d’un gouvernement de transition se ferait à l’issue de la libération totale du pays.