On avance à grands pas
Dans le droit fil des luttes d’indépendance contre la colonisation par les États-nations d’Europe du reste du monde, la voie de cette affirmation a souvent été celle de la lutte armée, et, une fois le rapport de forces établi, celle du référendum d’autodétermination. Ainsi, parmi les plus marquantes , il y a cinquante ans, l’indépendance de l’Algérie.
Dans les années 60 et 70, par mimétisme d’une certaine façon, mais aussi en raison de la brutale arrogance des États européens concernés, une Lutte de Libération Nationale s’est développée dans trois régions d’Europe : ETA en Euskadi, IRA en Irlande, FLNC en Corse. Au sein de l’Espagne franquiste pour les Basques, face à des gouvernements britanniques répressifs, et même sanguinaires (répression du « Bloody Sunday » en Irlande du Nord), ou du fait de l’intransigeant refus de reconnaître le peuple corse par les institutions françaises, avec la succession ininterrompue de symptômes de ce jacobinisme congénital (répression d’Aleria, puis barbouzes, puis Cour de Sûreté de l’État, puis Bernard Bonnet, etc… ), ces organisations clandestines se sont enracinées et se sont inscrites dans la durée.
Quarante ans plus tard, les stratégies de « lutte de libération nationale » font le bilan de leur impuissance : dans l’Europe démocratique, la voie de la violence clandestine est une impasse stratégique. Elle provoque l’isolement politique, et elle n’ouvre aucune perspective car il n’existe aucune solution politique en dehors de l’Europe elle-même.
Aussi, quarante ans plus tard, force est de constater que la voie de « l’autodétermination par les urnes » est la plus propice et la plus efficace. En Ecosse, en Catalogne ou en Flandre, les partis nationalistes démocratiques se trouvent désormais propulsés à la tête des représentations politiques de leurs pays, et, progressivement, ils font émerger une évidence : l’élargissement intérieur de l’Europe, qui consiste à reconnaître de nouveaux peuples par le « reformatage » de la carte actuelle des États-membres de l’Union, devra, tôt ou tard, être à l’agenda des futurs traités européens.
L’objectif final sera-t-il l’indépendance pour chacun ? Le leader victorieux du SNP, Alex Salmond, qui vient d’emporter une large majorité absolue après avoir brillamment dirigé un gouvernement minoritaire durant quatre années, a annoncé un référendum sur l’indépendance. En effet, en confirmant les nationalistes écossais aux plus hautes responsabilités, le Peuple Écossais a exprimé sa volonté politique. C’est en soi un acte d’autodétermination qui se manifeste à travers la présence, de façon majoritaire et durable, de mouvements nationalistes à la tête des institutions écossaises. Comment cela va-t-il évoluer avec l’État britannique, et comment l’Union Européenne sera-t-elle amenée à s’adapter ? Il est encore trop tôt pour le dire, et on voit avec l’exemple de la Flandre que ces processus politiques sont complexes. Mais, au bout du compte, chacun devra admettre l’autre dans une Europe qui restera un espace commun à tous.
En Corse aussi, si nous nous attachons à suivre cette voie, nous serons en mesure de porter demain à la tête des institutions de la Corse un Exécutif beaucoup plus proche de nos aspirations. C’est très clairement l’objectif essentiel des trois années à venir, il est à portée de main, à condition bien sûr de s’en donner les moyens politiques en faisant prospérer Femu a Corsica d’ici 2014 plutôt que de le cantonner dans l’inaction.
L’évolution fédérale de l’Union Européenne se fera donc en intégrant d’autres nations que celles des États-membres. Un fédéralisme différencié pourra intégrer les disparités objectives entre les nations européennes : territoire, population, dynamisme économique, etc… Mais chaque peuple devra pouvoir disposer du socle des droits essentiels légitimés par la souveraineté à laquelle, de par l’Histoire, il a droit autant que tout autre.
Des peuples entiers, acteurs et héritiers de l’Histoire de l’Europe, y sont encore privés d’un avenir à la mesure de leurs droits historiques. Cela pourrait changer désormais.
François ALFONSI