Pascal Canfin : « Pour la première fois depuis le début de la crise, l’Europe interdit un produit financier »
Quelle est la portée de cette législation européenne ?
Interdire la détention de CDS à nu souverains [c’est-à-dire sans détenir la dette obligataire correspondante] comme c’est prévu dans l’accord politique conclu entre le Parlement européen et le Conseil, c’est quelque chose qui n’a été fait nulle part ailleurs dans le monde. Plus largement, c’est aussi la première fois depuis 2008 et le début de la crise que l’Europe interdit un produit financier. C’est un signal fort et une avancée importante.
Quels pays étaient partisans de cette interdiction ?
Initialement, seuls deux Etats membres, l’Allemagne et l’Autriche, étaient partisans de cette mesure. La France, elle, n’a jamais eu de position favorable par rapport à l’interdiction des CDS à nu. Les positions ont évolué car le Parlement a pesé de tout son poids, les trois quarts des eurodéputés ayant voté en faveur de cette mesure. La tempête estivale sur les marchés a également dû faire réfléchir certains pays réticents au départ, comme l’Espagne et l’Italie.
En quoi cela va-t-il changer la donne pour la dette souveraine ?
On sait très bien que c’est un élément de spéculation sur la dette des Etats. Certains « hedge funds » achètent des CDS à nu pour en faire monter le prix, et donc la perception du risque associé à la dette souveraine. Du coup, les investisseurs qui ont vraiment la dette souveraine en question se ruent sur les CDS, et les fonds peuvent tranquillement leur revendre avec une plus-value. Deuxième effet, la hausse du prix des CDS fait monter les taux d’intérêt et réduire la valeur des obligations souveraines. C’est une deuxième source de revenus pour les « hedge funds », qui parient à la baisse sur la valeur des obligations. La spéculation ne disparaîtra pas, mais cela contribuera à alléger la pression.
L’Europe va-t-elle assez vite en termes de régulation ?
Il n’y a pas de culture de l’urgence au sein des institutions européennes, et c’est un vrai problème. Mais c’est aussi la contrepartie du processus démocratique européen, qui passe par la codécision entre Conseil et Parlement. Pour autant, en matière financière, l’Europe devrait aller plus vite et plus loin.
Propos recueillis par R. HO, Les Echos