Pascal Canfin : « Une taxe sur les transactions financières en Europe, c’est possible »
Elle apparaît comme le meilleur instrument financier pour augmenter les recettes publiques sans nuire à la consommation ou à l’investissement. L’étude que dévoile le groupe des Verts/ALE montre qu’une TTF européenne (au faible taux de 0,05 % sur la valeur nominale des transactions) pourrait générer jusqu’à 190 milliards d’euros de recettes fiscales au niveau de l’Union européenne (entre 80 et 190 milliards d’euros en fonction de différentes hypothèses présentées en annexe). Elle aurait un impact très limité sur les ménages et les sociétés, puisque la charge fiscale reposerait surtout sur l’industrie financière et les individus les plus riches. Plutôt que de diminuer les programmes sociaux et les financements prévus pour la lutte contre le changement climatique et pour le développement, une TTF permet d’apporter des réponses nouvelles aux problèmes fiscaux de l’UE et de ses Etats-membres. La Commission européenne, qui prône la réduction des déficits publics nationaux et doit financer le budget de l’UE, ne peut pas continuer à l’ignorer !
Toutes les transactions peuvent-elles être taxées ?
Non. La TTF ne s’appliquerait qu’aux transactions entre institutions financières (courtiers, banques) sur le marché financier. Les paiements entre les ménages et les entreprises ne sont pas concernés. Comme celles entre les institutions financières et leurs clients. Nous visons plutôt les transactions des actions et des obligations européennes, et celles des produits dérivés de taux d’intérêt sur des monnaies européennes. Les opérations de change de devises au sein de l’UE pourraient également être taxées, ainsi que l’achat de produits dérivés d’actions européennes et de produits dérivés de crédits par des utilisateurs européens. Ces marchés ont en commun d’être liés soit à des places européennes soit à une devise européenne.
Toutefois tous les produits ne peuvent pas être taxés. C’est justement le cas des échanges de produits dérivés au comptant, ainsi que de produits dérivés sur matières premières. Ce sont des « produits globaux », et leur taxation en Europe entraînerait tout simplement un transfert du commerce de ces produits vers des zones non taxées. Ceci dit, on pourrait envisager des exonérations fiscales pour les utilisateurs non-financiers de produits dérivés, sans devoir affronter une réduction significative des recettes engendrées par une TTF européenne.
L’Europe peut-elle décider de faire cette taxe seule ?
Oui. Même si la réunion du G20 à Toronto n’a pas permis d’aboutir à un accord pour une taxe de ce type au niveau mondial, une TTF européenne devrait et pourrait être mise en place et générer des recettes substantielles. En tirant les leçons de l’échec de certaines tentatives, comme celle introduite en Suède à la fin des années 80, mais également des succès des TTF au Royaume-Uni ou en Suisse, notre étude propose un projet qui préserve une concurrence équitable entre les acteurs financiers européens et leurs concurrents étrangers – tout en étant difficile à contourner par les acteurs financiers.
Quel est le risque d’échec ? Nous manquons peut-être de recul pour envisager les conséquences d’une telle taxe sur d’autres variables économiques …
Nous pensons qu’une telle taxe est absolument nécessaire. Elle permet de diminuer un grand nombre d’activités financières nuisibles et donc de sécuriser notre système financier en rendant les échanges spéculatifs à court terme non rentables. Ainsi la TTF peut mettre un terme aux transactions qui accélèrent la formation de bulles spéculatives et rendent les marchés plus volatiles et moins efficients.
Et puis ce concept n’est pas entièrement nouveau, puisque de telles taxes existent dans beaucoup de pays, comme le Royaume-Uni, la Suisse, l’Inde. Les régimes fiscaux doivent aussi s’adapter à la nature changeante de nos économies. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a été une invention française, mise en place pour la première fois en 1954. Avant cela, on ne pouvait pas prévoir toutes les conséquences, positives ou négatives, de la TVA sur les autres variables économiques. Cependant aujourd’hui quasiment tous les pays du monde utilisent cet instrument fiscal.
– Les conclusions de l’étude en français : (pdf 697.92Ko)
– Visitez le site Internet du groupe des Verts/ALE pour lire l’étude dans son intégralité (en anglais).
, visitez la page personnelle de Pascal Canfin.