Permis unique: les parlementaires européens tournent le dos à une migration légale équitable
Cette mise à l’écart d’un grand nombre de travailleurs contribue à créer un système à plusieurs vitesses selon l’origine des travailleurs et ne leur permet pas d’avoir pleinement accès au marché de l’emploi de l’Union. Cet éclatement qui vise à attribuer des droits selon la valeur d’un travailleur ouvre la voie à un marché du travail totalement morcelé, où au sein d’un même lieu de travail, seront attribués des droits à géométrie variable selon un éventail de catégories. A la clé de cette fragmentation, les parlementaires, syndicats et associations de défense des droits verront leur travail de contrôle de la transposition de ce portefeuille de législation et du respect des droits qui y sont inscrits encore plus complexifié.
Rappelons ici toute l’hypocrisie de cette approche discriminatoire de la migration légale. Comme l’a démontré une étude réalisée par une équipe de chercheurs de l’université de Lille pour le compte du ministère des Affaires sociales, l’immigration est une très bonne affaire pour l’économie française ! S’ils reçoivent de l’Etat 47,9 milliards d’euros, ils en reversent 60,3 milliards, soit un solde positif de 12,4 milliards d’euros pour les finances publiques. Et l’on ne parle ici que de la part monétaire de ces bénéfices.
Pour Hélène Flautre, membre de la Commission des Libertés Civiles, « l’attribution de droits en fonction de la valeur marchande des travailleurs en plus d’être inacceptable, sape le principe d’égalité de traitement et de non discrimination, pourtant au cœur même des valeurs européennes. » Il serait ici malvenu de se cacher derrière d’autres directives couvrant le cas des travailleurs exclus : la directive proposée par la Commission sur les travailleurs saisonniers en juillet dernier suffit à convaincre de la persistance à considérer certains travailleurs comme des travailleurs de seconde ou même troisième catégorie.
D’un point de vue social, ce texte est d’autant plus problématique qu’il conforte le principe du « pays d’origine » pour certaines catégories de travailleurs, principe qui avait été combattu par la gauche européenne à l’époque de la fameuse directive Bolkestein avec le risque de participer à une forme de dumping social. Pour Karima Delli, membre de la Commission de l’emploi et des affaires sociales, « on touche là à une contradiction de l’Europe sociale : veut-on réellement protéger le modèle social européen, et doit-il exclure les travailleurs non-européens, ou bien doit-il avoir une visée universaliste, et cesser de discriminer des travailleurs en leur donnant des droits différents ? »
Néanmoins, le texte tel qu’adopté par le Parlement pose le principe du remboursement des cotisations-retraite déjà versées par les travailleurs qui quittent l’Union européenne sans que cela dépende d’accords bilatéraux, puisqu’ils seront de toute façon dans l’impossibilité de toucher leurs droits à la retraite. La position du Parlement doit maintenant être examinée par le Conseil. Si les eurodéputés d’Europe Ecologie-Les Verts ont choisi de s’abstenir lors de ce vote afin de ne pas définitivement enterrer l’idée d’une directive cadre pour tous les travailleurs, ils resteront très vigilants afin que l’Union se dote d’une politique migratoire qui incarne pleinement les principes d’universalité et d’indivisibilité des droits fondamentaux.