Protection des consommateurs: pourquoi j’ai voté contre l’avis sur le TTIP
La commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs a un certain nombre de compétences de base directement liées au Traité transatlantique (TTIP): la commission IMCO a en effet comme prérogatives de : – s’assurer du bon fonctionnement de « l’économie réelle», notamment par la promotion des intérêts des PME, – réguler la liberté de circulation et d’établissement des prestataires de services tout en préservant les services publics, -garantir le plus haut niveau de protection des consommateurs – et enfin régir les règles de passation des marchés publics. Depuis la prise de conscience de l’immense impact qu’aurait sur tous ces aspects la signature du Traité transatlantique, les discussions autour de l’avis adopté au final de justesse par la commission IMCO ont été pour le moins particulièrement animées.
Pour nous écologistes, trois questions cruciales constituaient des « lignes rouges » à ne pas franchir: la dérégulation des marchés publics, le démantèlement des services publics et l’ISDS (mécanisme de règlement des différents investisseurs-Etats).
La régulation des marchés publics constitue l’un des chapitres les plus importants et les plus sensibles des négociations autour du TTIP: l’Union européenne a des intérêts très importants et est particulièrement offensive dans ce domaine, espérant l’ouverture maximale des marchés américains. De l’autre côté de l’Atlantique, les États fédérés américains tentent de protéger leur « acheter américain » et les règles protégeant leurs petites entreprises. La plupart des groupes politiques du PE ont insisté pour avoir une formulation ferme concernant la libéralisation obligatoire des marchés publics américains. Mais ce débat n’abordait pas l’essentiel: pour les Verts, les circuits courts d’approvisionnement, susceptibles de créer des emplois locaux tout en préservant l’environnement, doivent être encouragés. Selon des critères de durabilité, les marchés doivent être attribués non pas uniquement fonction de leur prix, mais aussi et surtout fonction de leur valeur ajoutée pour la société, en termes de création d’emploi et de protection de l’environnement. Au final, nous avons réussi à inclure dans le texte une référence aux directives sur les marchés publics nouvellement révisées, incluant en particulier des critères d’attribution fonction de la durabilité et de l’accès des PME aux marchés publics, réussite importante.
Les services publics sont par définition et dans une large mesure exemptés des règles classiques de la concurrence puisqu’ils servent des intérêts publics essentiels, à but non lucratif. Notre position sur le sujet dans les négociations était claire: une exclusion générale de tous les services publics, y compris les services sociaux, de santé, d’éducation, d’eau et d’assainissement. Les autorités publiques devraient donc avoir le droit, tout en respectant le principe de subsidiarité, d’organiser, de financer et de protéger leurs services publics. Les négociations devraient donc être fondées sur une liste exhaustive de secteurs à libéraliser, préservant tous les secteurs n’y étant pas spécifiquement mentionnés. Malheureusement, la majorité des eurodéputés n’était pas d’accord avec nos demandes de dérogation horizontale explicite et tous nos amendements demandant des exemptions sectorielles ont été rejetées. Notre appel à une liste exhaustive de secteurs libéralisables, ligne rouge pour les Verts de même que les sociaux-démocrates, a également été rejeté, incitant nos deux groupes politiques à voter contre l’avis dans son ensemble.
Le système de règlement des différends investisseurs-États (ISDS) était la question la plus taboue. Le rapporteur ALDE a tout simplement mis le sujet de côté et a refusé de discuter, déclarant que ça ne relevait pas de la « compétence de la commission IMCO », même s’il aurait évidemment un impact sur le marché intérieur. L’ISDS équivaut à une privatisation de la justice, ce qui compromet le droit des États à réglementer l’intérêt général. Dans un tel système, les investisseurs privés ont accès de facto à un système judiciaire parallèle, distinct des tribunaux ordinaires et fermé à toutes les autres parties prenantes telles que les citoyens, les consommateurs et les entreprises nationales, créant une incertitude juridique pour tous les contrats de marchés publics. En ce sens, l’ISDS est clairement incompatible avec le bon fonctionnement du marché et les intérêts des consommateurs. En vertu de notre initiative, avec la GUE et les Sociaux-démocrates, un amendement de compromis a été déposé, énonçant que les tribunaux ordinaires devaient rester compétents et que tout mécanisme ISDS portant atteinte au droit de réglementer des autorités de l’UE devait être rejeté. Cette proposition a suscité une grande controverse au sein de la commission IMCO, le rapporteur regrettant notre décision d’aborder la question de l’ISDS … comme si nous pouvions ignorer l’aspect principal du texte ! L’amendement a été rejeté de justesse, et a conduit au rejet final de l’avis par les Verts, les Sociaux-démocrates et la GUE.
En tant qu’eurodéputé écologiste, ma priorité est de m’assurer que l’intérêt général des Européens est respecté. L’état actuel des négociations autour du TTIP, en particulier concernant les aspects évoqués ci-dessus, m’a convaincu de longue date que le Traité transatlantique constitue une grave menace pour l’ensemble des européens. C’est pourquoi j’ai voté contre le texte en commission IMCO.
Contexte: IMCO est l’une des 13 commissions rendant leur avis à la commission du commerce international (INTA) avant le vote de la résolution sur le TTIP qui devrait intervenir en plénière en mai. L’avis sur le TTIP a été adopté de justesse en IMCO avec 20 votes en faveur, 18 contre et une abstention le 25 mars dernier. Les Verts ont voté contre, en raison de la formulation très insatisfaisante sur les services publics et l’absence d’une mention concernant l’ISDS.
A voir en Anglais sur le blog du groupe: