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Protection des forêts : « L’UE doit soutenir l’initiative Yasuni en Equateur »

11 janvier 2011
Rafael Correa, le président de l’Equateur, se dit prêt à ne pas exploiter un lac de pétrole exceptionnel, d’une valeur de 7 milliards de dollars, situé sous le Parc naturel Yasuni. Pour Catherine Grèze, qui signe une tribune dans Le Monde, l’UE doit investir dans ce projet pour protéger la biodiversité de cette forêt et poser les jalons du monde écologique de demain.
Equateur, le Parc Yasuni : l’ultimatum écologique – a été publié sur Lemonde.fr le 22 décembre 2010.

Cancun s’achève sur un goût aigre-doux. Si Copenhague fut un « échec retentissant », la 16e Conférence des parties a enfanté de résultats concrets sur l’aide aux pays en développement ou la déforestation. Mais le compte n’y est pas. Le coup d’éclat est venu d’Amérique du Sud. Moins médiatisé que son homologue bolivien, le président Correa a pointé le manque de crédits portés aux propositions concrètes des pays du Sud. En proposant aux pays dits industrialisés le plus grand pacte écologique de l’histoire, il a fait de « l’Initiative Yasuni-ITT » (Ishpingo-Tambococha-Tiputini) le symbole d’un autre système économique, qui préfère la nature au marché, la vie au profit immédiat.

Le « sacrifice » proposé par Correa est inédit. Il s’est dit prêt à ne pas exploiter un lac de pétrole exceptionnel qui lui promet quelque 7 milliards de dollars, soit 20% des réserves totales du pays, gisant sous le Parc naturel Yasuni. Mais le 9 décembre, devant le manque d’engagement de la communauté internationale, Rafael Correa a montré son impatience et a menacé de commencer à attaquer ce site protégé. Le parc, dans lequel vivent les peuples isolés Tagaere et Taromenane, recueille une biodiversité inouïe. Un seul hectare contiendrait autant d’espèces d’arbres que tous les Etats-Unis ! L’Equateur a mis en place, en août dernier, un Fonds administré par le PNUD devant rassembler la somme équivalente au manque-à-gagner de l’exploitation du pétrole. Ce Fonds sera exclusivement investi dans la préservation de la biodiversité et le développement d’énergies renouvelables. Considérant les forêts et le climat comme des biens communs de l’humanité, le gouvernement en appelle à la co-responsabilité et demande à la communauté internationale de contribuer au Fonds à hauteur de 50 %. A Cancun, il a présenté l’Initiative, second projet juridiquement contraignant après le Protocole de Kyoto, comme un modèle de compensation des émissions évitées.

« Ce n’est pas l’aumône que nous réclamons ! » La rente pétrolière équatorienne représente 22,2% du PIB du pays et 63,1% de ses exportations. Dès lors, quoi de plus normal pour le gouvernement équatorien que de s’agacer en voyant les promesses de contribution des pays industrialisés tomber à l’eau ? La relance de l’extraction et l’exportation des ressources naturelles dans les pays en développement est brandie par tous comme la solution à la crise financière et économique actuelle. Seulement, très peu de nos gouvernants ont mesuré combien la crise à laquelle nous sommes confrontés n’est pas seulement économique et financière, mais également sociale et environnementale. De Vandana Shiva à Marina Silva, les demandes de la société civile des pays du Sud pour une gestion soutenable des ressources se multiplient. L’Initiative Yasuni-ITT constitue la preuve qu’il est possible, partout et pour tous, d’inventer la société post-pétrolière de demain.

La région wallone a apporté, ce même 9 décembre, 300 000 euros au projet. L’Italie s’est engagée à y contribuer à hauteur de 20 millions d’euros d’annulation de dette. Sur les 100 millions de dollars attendus pour juin prochain, le Fonds recueillerait à ce jour deux millions de dollars. La composition du Fonds vert créé à Cancun reste floue et les apports de chaque Etat indéfinis. Sous l’égide de la Banque Mondiale pour au minimum trois ans, il devrait financer de grands projets d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Ces projets doivent répondre à des critères précis instaurés par les pays industrialisés, excluant de la sorte les initiatives de la société civile dont l’implication est tellement importante pour une lutte efficace contre le changement climatique.

L’Union européenne, si tant est qu’elle désire être à la pointe de la protection du climat, doit se donner la flexibilité nécessaire pour soutenir toute initiative qui, à l’instar de Yasuni-ITT, nous aidera à poser ensemble les jalons du monde écologique de demain. Et contribuer, à travers la Commission et les Etats-Membres, au financement de ce Fonds bien avant l’ultimatum de Correa – le 30 juin 2011.

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