Sommet du climat à Copenhague : l’Europe détient les clés
On ne négocie pas avec la planète, on ne négocie pas avec la science : déjà 300 000 morts par an, des millions à venir du fait des sècheresses, inondations, épidémies…et des centaines de millions de déplacés. L’inaction est un crime contre l’humanité. Le péril est connu, les responsabilités aussi : les pays industrialisés sont responsables de 80% des gaz à effet de serre concentrés dans l’atmosphère alors que les pays du Sud supporteront 80% des dégâts liés aux changements climatiques.
Il n’y aura pas de solution technique miraculeuse, comme le recours massif au nucléaire ou au captage du carbone. Ce sont autant d’illusions dangereuses. L’effort à accomplir est incontournable : les pays industrialisés doivent modifier radicalement leurs façons de produire et de consommer et, chaque année, mobiliser plus de cent milliards d’euros de financement pour permettre à des milliards de personnes de faire face au défi climatique. Somme toute, ce n’est qu’une petite partie de ce que les pays riches ont réuni pour endiguer leur crise financière.
Il y a urgence et il n’y a pas de plan B. Or la plupart des pays piétinent, prisonniers d’intérêts nationaux à court terme. A quelques jours du Sommet, nous sommes au bord du gouffre. La probabilité d’un échec est grande. Autrement dit, la photo de famille de nos dirigeants souriants et leurs déclarations d’autosatisfaction risquent de succéder aux grandes déclarations sans qu’aucun engagement sérieux n’ait été pris.
L’Union européenne n’est plus la championne climatique qu’elle prétend être. Généralisé à l’ensemble de la planète, son niveau d’ambition conduirait à un réchauffement de notre planète de plus de 4°C, donc à une catastrophe humanitaire. Inacceptable. Le Japon, l’Australie ou encore la Norvège ont pris des engagements de réduction d’émissions à la hauteur de leur responsabilité. Côté grands émergents, la Chine est devenue le leader des énergies renouvelables et mène des politiques ambitieuses d’efficacité énergétique extrêmement ambitieuses, le Brésil s’est engagé à réduire de 70% le taux de déforestation de l’Amazonie, sa principale source d’émissions de gaz à effet de serre, l’Afrique du Sud et l’Indonésie ne sont pas en reste… Mais faute d’engagements sérieux des pays développés, ils refusent pour le moment d’acter ces politiques nationales dans un accord international contraignant.
Face à l’impréparation des États-Unis, le résultat de Copenhague dépend donc largement de l’Europe : soit elle valide le mode actuel de négociation -mettre le moins d’engagements possibles sur la table en attendant que les autres bougent-, la défiance se poursuit et l’échec est assuré ; soit elle affiche des chiffres ambitieux et crédibles et elle peut espérer emmener les économies émergentes et le reste des pays du Sud dans un cercle vertueux et arracher un bon accord aux États-Unis. La voie est étroite mais les négociations climatiques ont fait les plus grands pas chaque fois que l’Europe a su se tourner vers le Sud.
Pour assurer un tel leadership, l’Union doit dès maintenant passer d’un objectif de réduction de ses émissions de 20 à 30% d’ici 2020 par rapport à 1990 -dans la perspective de 40%- et faire une offre chiffrée et juste de soutien aux pays du Sud, soit au moins 30 milliards d’euros par an en plus de l’aide conventionnelle. C’est ce que demande le parlement européen au conseil. C’est aussi sa meilleure carte pour sortir durablement de la crise économique et sociale.
La France participera, au sein de l’Union européenne, à ces négociations cruciales pour l’humanité. Les grands discours de Nicolas Sarkozy n’impressionnent plus personne. Alors qu’il se veut le leader des négociations, le président refuse de chiffrer le soutien financier à apporter aux pays du Sud, tout en agitant la perspective d’une taxe carbone aux frontières. Cette stratégie fondée sur la menace et la détresse du Sud est vivement critiquée en Europe et dans les pays en développement. Elle est contre-productive. Au nom de la France, le président doit faire mieux, beaucoup mieux.
C’est enfin à la société toute entière d’exercer une pression sur ses dirigeants pour qu’ils soient au rendez-vous de l’histoire. C’est donc aussi notre responsabilité à tous – citoyens, acteurs associatifs et sociaux, élus – qui est engagée afin que Copenhague ne soit pas un échec collectif.