Travailleurs détachés : nul besoin de coup de menton, la France doit mettre pression sur le Conseil

5 juillet 2016
Dimanche 3 juillet, Manuel Valls a pris position sur le projet de révision de la directive sur le travail détaché en réclamant un alignement par le haut des cotisations sociales… et en menaçant de ne plus appliquer cette législation européenne dans le cas contraire.

Réaction de Karima DELLI, membre de la commission Emploi et Affaires sociales au Parlement européen :

« Le statu quo en matière de détachement des travailleurs ne peut plus durer [1]. Lors de la dernière mandature, nous avions échoué à obtenir un compromis satisfaisant face aux tenants d’une Europe dérégulée, défendue notamment par la Grande Bretagne et les pays de l’Est. Par ses faiblesses, elles-mêmes renforcées par l’absence de contrôle sur sa mise en œuvre, ce texte nourrit les maux de l’Union européenne : la casse sociale, le chômage de masse, la concurrence déloyale, le non-respect du droit du travail. Soit autant de choses dont les populismes europhobes font leur beurre. Ceux qui défendent le statut quo entendent donc continuer cette dérive vers un libéralisme sauvage devenu insoutenable, avec les conséquences politiques que cela implique.

Pourtant aujourd’hui, après le Brexit, nous avons une occasion unique de refonder le projet européen sur la base d’une législation qui protège les travailleurs européens d’où qu’ils viennent. Maintenant que les pays favorables à la dérégulation perdent leur meilleur allié, profitons-en pour mettre un frein au fléau du dumping social.

En ce sens, la prise de position du premier Ministre français est salutaire sur le fond. S’affirmer sur ce dossier sur la scène européenne sera sans doute plus efficace que le passage en force sur la loi du travail. Pourtant, on peut s’interroger sur la méthode : menacer de ne plus appliquer unilatéralement une directive, c’est encore une fois se ranger dans le camp des eurosceptiques. L’Europe ne se fait pas à la carte, suivant l’humeur du matin ! Ce qu’on est en droit d’attendre de la France, c’est qu’elle défende avec conviction sa position au Conseil, en comptant sur ces alliés pour pousser la Commission à porter une directive ambitieuse.

D’urgence, j’invite le chef du gouvernement à avancer les solutions de bon sens à cette arlésienne qu’est le problème du détachement des travailleurs : la création d’un corps européen d’inspecteurs du travail, l’instauration de sanctions financières dissuasives, et la mise en place d’une liste noire des entreprises frauduleuses. »

[1] Suite au « carton jaune » déposé par plusieurs États-membres demandant à la Commission européenne de revoir sa copie, la réforme de la directive sur les travailleurs détachés annoncée en mars 2016 est aujourd’hui en suspens. La Commission européenne pourrait rendre son verdict sur l’avenir de cette réforme le 13 juillet prochain.

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