Tunisie et Parlement européen : retour sur un aveuglement
L’écoute de ce débat, très instructive, permet de comprendre l’absence, jusqu’au bout, d’une position ferme de l’Union européenne dans la « Révolution de Jasmin ». Elle permet aussi de comprendre comment une majorité de députés européens a pu refuser, quelques jours après la chute de Ben Ali, d’organiser un débat sur la nouvelle situation et la démocratisation en cours en Tunisie (Voir « Le Parlement européen n’est pas à la hauteur« ).
Pourtant, le mot d’ordre de ce débat pour la majorité des députés européens est : tout va bien. Oui, tout va bien en Tunisie – un pays qui a accompli « d’énormes progrès » selon la Commission européenne depuis la signature de l’accord d’association en 1995 : éducation, protection sociale, croissance économique… La Tunisie est un modèle sur le plan économique. Certes, de-ci, de-là, il peut y avoir de petits problèmes de respect des libertés publiques mais est-ce bien important face au fameux statut des femmes et à la laïcité ?
D’ailleurs pour Louis Michel, député belge du groupe centriste-libéral, ancien commissaire européen au développement de 2004 à 2009 (!), il n’y a même pas de raison objective d’avoir ce débat, si ce n’est de féliciter encore et toujours les autorités tunisiennes. Dominique Baudis (UMP) s’esbaudit quant à lui de la proportion de femmes élues localement ou au Parlement, n’ayant pas l’air de considérer comme important le fait que ce le soit après des simulacres d’élections. Charles Tannock, conservateur britannique, souligne la « méritocratie » de la Tunisie ; pourtant, la captation des intérêts économiques du pays de la famille Trabelsi à des fins personnelles était loin d’être inconnue il y a un an.
A part quelques interventions sur la situation démocratique catastrophique, dont celle de la députée Europe écologie-Les Verts Hélène Flautre, le message est clair pour la Tunisie : la demande de rehaussement des relations UE-Tunisie ne pourra rencontrer «qu’une réponse positive » avance le socialiste italien Pier Antonio Panzeri. Les députés tunisiens présents dans l’hémicycle auront reçu le message cinq sur cinq : le Parlement européen soutient majoritairement Ben Ali.