Visite de la zone d’attente de Roissy avec Eva Joly
Bien que les parlementaires européens, à l’instar de leurs homologues nationaux, disposent d’un droit de visite sans restriction à tout moment des zones d’attentes et des centres de rétention, Eva JOLY avait fait le choix d’informer en amont les services concernés de sa visite et de son souhait d’être accompagnée par une journaliste. Bien que le Ministre de l’intérieur ait à plusieurs reprises affirmé sa volonté d’ouvrir les lieux d’enfermement à la presse, cette possibilité a été refusée alors même qu’elle avait été autorisée en 2013. Les demandes de l’Eurodéputée écologiste de mise à disposition des chiffres relatifs au nombre de personnes maintenues, de réacheminements, de demande d’asiles déposées, etc. ont également reçu une fin de non-recevoir.
À l’issue de cette visite effectuée avec l’Anafé, Eva JOLY a déclaré :
« Il faut d’abord rappeler et souligner que les personnes qui se trouvent en zone d’attente sont détenues sans avoir commis le moindre crime ! Ces hommes et ces femmes se sont déplacés conformément au droit fondamental reconnu à tout citoyen par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de quitter tout pays, y compris le sien, et se retrouvent priver de liberté le pied à peine posé sur le territoire français.
Au-delà d’un accueil professionnel et cordial de la part des équipes sur place, de nombreuses interrogations demeurent à l’issue d’un parcours strictement balisé et encadré. La présence permanente des policiers de la police aux frontières (PAF) lors des entretiens tant avec le médecin qu’avec le personnel de la Croix-Rouge, ainsi que l’impossibilité de s’entretenir avec des maintenus ou encore avec l’OFPRA, me fait m’interroger non pas sur ce que j’ai vu, mais sur ce que je n’ai pas pu voir au cours de cette visite de plus deux heures. Impossible de savoir si les maintenus sont correctement informés de leurs droits, que ceux-ci sont respectés, que leur situation est effectivement soumise à un contrôle judiciaire, qu’ils bénéficient des services de traduction adéquates, de conseils juridiques en temps et en heure. La situation des mineurs isolés semble particulièrement préoccupante, notamment faute d’administrateur ad hoc en nombre suffisant pour les suivre correctement, et de la suspicion qui pèse systématiquement sur eux quant à leur âge, ce dernier conditionnant directement l’exercice de leurs droits.
À l’issue de la visite de la zone d’attente, nous avons pu découvrir les locaux flambant neufs mais vides de l’annexe du tribunal de grande instance de Bobigny. En tant qu’ancienne magistrate, je ne peux que soutenir les juges des libertés et de la détention qui refusent d’investir ces locaux. Cela contreviendrait aux principes mêmes du droit que de rendre la justice au sein d’un lieu de détention. Je ne comprends même pas qu’une telle décision ait pu être prise au mépris total de la justice, des avis des magistrats et d’arguments strictement pratiques, ces locaux étant difficilement accessibles aux familles, aux avocats, aux travailleurs sociaux, et aux parlementaires ! »
(1) Lancée en 2011 par les réseaux Migreurop et Alternatives Européennes, la campagne Open access now a pour objectif la fermeture de tous les camps d’étranger-e-s en Europe et au-delà et, en attendant, d’exiger et de renforcer la visibilité et la transparence sur les réalités de la détention des migrant-e-s. Il s’agit de faire connaître la réalité et les conditions de l’enfermement des étranger-e-s en Europe et au-delà, jouer un rôle d’alerte et de défense des étranger-e-s détenu-e-s et de témoigner sur les conséquences de cet enfermement dans les camps, théâtres quotidiens de violations des droits fondamentaux.
Un commentaire
Bravo, bien vu : en zone d’attente, plus on en voit, plus on s’interroge sur ce qu’on ne voit pas !