Boussole stratégique: les écologistes critiques du manque de consultation démocratique et de l’inclusion de la migration comme risque sécuritaire

22 mars 2022

Ce lundi 21 mars les ministres des Affaires étrangères et de la Défense ont adopté la boussole stratégique de l’Union européenne. Cette boussole est un “livre blanc” visant à définir les grandes orientations de la sécurité et de la défense européennes jusqu’en 2030. Le dernier document stratégique global de l’UE remonte à 2016. Avec une première version présentée en Novembre 2021 par le SEAE après consultation des États membres ,et 4 cycles de révisions depuis, le processus est inédit. 

Retrouvez sur cette page des extraits vidéos de la conférence de presse des Verts/ALE au sujet de la boussole, à laquelle Mounir Satouri a participé.

L’élaboration de la boussole stratégique: un processus européen inédit mais pas assez démocratique

L’exercice de consultation entre États membres qui a mené à la boussole est inédit en intensité et est positif pour faire converger la vision géopolitique des États membres. Il est toutefois regrettable que ni le Parlement européen, maison de l’intégration, ni les parlements nationaux n’y aient été associés.

Indépendance énergétique: grande absente de la boussole stratégique

Alors  que la boussole reconnaît la coercition énergétique comme une des menaces sur l’UE, elle ne fait pas mention du besoin de rendre l’Europe plus autonome sur le plan énergétique: un silence qui, à l’apex de la guerre en Ukraine, est très regrettable. 

La migration présentée comme un risque de sécurité

L’opposition des écologistes est ferme en ce qui concerne l’inclusion des « risques migratoires » à l’évaluation de notre environnement sécuritaire.

Les intérêts économiques, trop prioritaires dans la géostratégie européenne

S’il est important d’empêcher que le commerce international, en particulier les « voies maritimes de communication », ne soit interrompu par des acteurs étatiques et non étatiques hostiles, le « commerce international » ou les intérêts économiques ne doivent pas être décrits comme les premiers intérêts de l’UE en matière de sécurité. Malheureusement, les intérêts commerciaux et économiques sont les intérêts dominants cités sur presque tous les théâtres mentionnés dans le document.

Climat et sécurité: pas d’objectifs détaillés pour les émissions du secteur militaire

Les risques climatiques pesant sur la sécurité sont plutôt bien évalués, mais il n’y a tristement pas d’objectifs chiffrés, précis et datés de réduction des émissions du secteur militaire.

Le désarmement nucléaire, finalement un objectif de la boussole

La dernière version de la boussole est bien plus satisfaisante que la première concernant l’ojbectif de désarmement nucléaire. La boussole stipule que nous devons travailler à chaque obligation du Traité de Non Prolifération, et donc y-compris au désarmement nucléaire.

On ne peut pas faire de l’armement nucléaire un grand absent de l’analyse des risques de sécurité, alors qu’aujourd’hui dans le conflit en Ukraine le risque d’échange ou d’accident nucléaire est très haut – Mounir Satouri

Exportations d’armes: garantissons le respect des critères européens!

La guerre en Ukraine le démontre : nos politiques d’exportations d’armes doivent être en phase avec nos valeurs et notre politique étrangère. Transférer des armes à l’Ukraine, oui (et l’Europe peut financer cela par la Facilité européenne de paix) mais livrer des armes à la Russie, comme la France l’a fait même après l’embargo de 2014 pour « honorer » des contrats déjà passés – non.

Des critères européens s’appliquent en toute situation, les critères de la Position Commune du Conseil de 2008 (dont un critère prohibe les ventes qui nuiraient à la sécurité nationale des États membres et des États alliés ou amis) . Les écologistes veulent que ces critères fassent désormais l’objet d’un règlement, qui permettra à la Cour de Justice de l’UE de juger des illégalités de certaines ventes.

Jusqu’il y a une semaine, le texte de la boussole stratégique ne mentionnait que la « poursuite de la convergence de nos pratiques en matière de contrôle des exportations d’armes » et « l’accès compétitif aux marchés internationaux », sans rappeler les critères (tant concernant les droits humains que la sécurité) de la Position Commune du Conseil de 2008. Cette version de la Boussole était le reflet de la ligne du Commissaire au Marché Intérieur, Thierry Breton. Les écologistes au gouvernement en Europe ont toutefois insisté pour la référence aux critères de la Position Commune du Conseil de 2008.

Risques posés par la Russie

Une meilleure évaluation est faite dans la boussole des risques posés à la sécurité européenne par la Russie, du fait de la guerre en Ukraine. Le comportement agressif et révisionniste de la Russie est pleinement reflété.

Assistance mutuelle en cas d’aggression: pas de développement concret dans la boussole

La boussole ne développe pas véritablement la clause de solidarité et d’assistance mutuelle en cas d’agression sur un État membre de l’article 42.7 du Traité sur l’Union européenne. À part la possibilité que l’État major de l’Union européenne (EUMS) ait un rôle dans la mise en œuvre de la clause. Mais ce rôle verrait le jour uniquement « sur demande des États membres », laissant la primauté aux États membres. Les écologistes réclamment un développement plus fort de cette clause de solidarité (activée sans effets par la France en 2015).

Traité sur l’Union européenne (extraits)

Considérants – RÉSOLUS à mettre en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d’une politique de défense commune, qui pourrait conduire à une défense commune

Article 42.2 (horizon d’une défense commune) La politique de sécurité et de défense commune inclut la définition progressive d’une politique de défense commune de l’Union. Elle conduira à une défense commune, dès lors que le Conseil européen, statuant à l’unanimité, en aura décidé ainsi. 

Article 42.7 (solidarité – assistance mutuelle) Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres.

Une force d’entrée rapide pour l’UE: une initiative nécessaire

Capactiés de défense: faire mieux ensemble dans l’Union européenne

La boussole affirme qu’‘il est urgent de dépenser plus et mieux – pour Mounir Satouri et les écologistes, il faut que nous dépensions mieux ensemble.

Le coût des inefficacités de nos industries de défense fragmentées est énorme. La Commission estime qu’une coopération efficace en matière de recherche et développement militaire et d’approvisionnement entre les États membres, 25 à 100 milliards d’euros pourraient être économisés chaque année.

L’objectif des initiatives industrielles européennes de défense comme le Fonds de défense européen devrait être de réduire la fragmentation, la duplication et les surcapacités industrielles qui prévalent en Europe.

Prévention et gestion civile des crises

La boussole n’indique pas assez d’ambition dans les moyens dédiés aux missions de PSDC civiles et à la prévention et la médiation des crises.

Pourtant il existe 11 missions de Politique de Sécurité et de Défense Commune civiles et seulement 7 missions militaires. La boussole ne fournit pas un langage comparable en termes de quantité et de qualité

La boussole jusqu’à peu ignorait complètement les concepts de l’UE sur la prévention civile des conflits, sur la médiation. Ces politiques sont pourtant très importantes et déjà financées via l’Instrument de stabilité et de paix de l’UE, et maintenant le budget de l’Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale. On doit les soutenir et heureux que la boussole ait été quelque peu amélioré sur ce plan.

 

 

Partager cet article

Les commentaires sont fermés.