Climat : ce n’est pas aux ménages de payer !
Mardi 28 juin, lors de la dernière réunion ministérielle de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), les ministres de l’environnement des 27 États membres sont tombés d’accord sur le mandat de négociation du Conseil sur les textes du paquet Ajustement à l’objectif 55 (“Fit for 55”).
Parmi ces textes, deux ont fait l’objet d’âpres négociations : la révision du système d’échange de quotas d’émission (ETS ou marché carbone) et le Fonds social pour le climat (FSC).
Dans sa précipitation à vouloir que ce mandat soit voté pendant sa présidence, le gouvernement français a proposé un accord qui va faire peser une partie de la facture sur les ménages.
En effet, à partir de 2027, l’ETS s’appliquera aux secteurs du chauffage des bâtiment et du transport routier. Cela signifie, notamment, que les fournisseurs de carburants et de fioul domestique seront tenus d’acheter sur un nouveau marché carbone des “permis à polluer” (quotas) couvrant leurs émissions de CO2. Ces coûts supplémentaires seront répercutés sur les factures de carburant et de chauffage des ménages. Les écologistes s’étaient battu·e·s au Parlement européen et avaient obtenu que les particuliers soient exclus de l’assiette.
Cette disposition d’exclusion des particuliers n’est pas reprise par le Conseil de l’Union européenne, qui cherchera à imposer cette position lors des trilogues.
Le gouvernement français a donc fait revenir par la fenêtre européenne la taxe carbone qui avait déclenché le mouvement des gilets jaunes, à un moment où la hausse des prix de l’énergie met déjà de nombreux ménages en difficulté.
Par ailleurs, l’accord trouvé affaiblit très largement le Fonds social pour le climat. La Commission avait proposé 72 milliards, le mandat de négociation du Conseil est l’a réduit à 59 milliards maximum en supprimant la contribution des États membres. Ce fonds est un garde-fou pour s’assurer que personne ne soit oublié dans la nécessaire transition vers la neutralité climatique en 2050. Les États membres ont aussi cherché à réduire les montants qui pourraient être versés directement aux ménages.
Pendant ce temps, au Parlement comme au Conseil, les libéraux et les droites prolongent la gratuité des droits à polluer pour les grandes industries, retardant la transition, au mépris du climat et des citoyen·ne·s qui devront en payer les frais…
La présidence française prend le risque de faire dérailler la politique climatique de l’Europe en réduisant à néant son acceptabilité sociale, comme cela s’est passé en France en 2018. Aucune leçon n’a été tirée par Emmanuel Macron.
Les écologistes continueront à se battre lors des trilogues pour revenir à une position juste socialement car il n’y a pas de justice climatique sans justice sociale. Si l’extension de l’ETS devait s’appliquer aux ménages, et s’il n’y a pas de soutien financier pour celles et ceux qui en ont réellement besoin, la délégation Europe Écologie ne pourra pas soutenir le texte.
Réaction de Marie Toussaint, vice-présidente du groupe Verts/ALE, membre de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire :
« Une fois de plus, les 27 s’entendent sur le plus petit dénominateur commun, au détriment d’une action réellement ambitieuse pour le climat. Pour le marché carbone européen, les Verts demandaient l’adoption d’un objectif de baisse des émissions de l’industrie de 67%, le Parlement européen avait voté 63%, le Conseil adopte un objectif de 61%. De même, nous nous sommes battu·e·s pour mettre fin aux quotas gratuits pour les entreprises polluantes dès 2030, le Conseil a préféré attendre 2036. Sur de nombreux points, l’accord obtenu par les 27 États membres est loin d’être à la hauteur et met sérieusement en danger le Pacte vert. La présidence française, qui s’achève aujourd’hui, 30 juin 2022, aura échoué à faire du climat une absolue priorité de l’Union européenne.«
Réaction de Damien Carême, député européen du groupe Verts/ALE, membre de la commission de l’Industrie, de la recherche et de l’énergie :
« La présidence française de l’Union européenne qui s’achève aura décidément eu tout faux ! En se positionnant pour la levée de l’exemption pour les foyers, le Conseil environnement feint d’ignorer les difficultés de nos concitoyen·ne·s et les causes qui ont mené au mouvement des gilets jaunes en France. Alors que les prix de l’énergie s’envolent, affectant sévèrement les foyers européens, décider d’appliquer le système des quotas carbone aux systèmes de chauffage des bâtiments des particuliers est une faute politique et humaine. Nous savons très bien que les fournisseurs d’énergie répercuteront directement les coûts sur les consommatrices et les consommateurs. Des surcoûts que ne pourra pas compenser le Fonds social climat puisque le Conseil environnement propose une coupe franche dans son budget. La présidence française, à la veille de sa conclusion, aurait voulu saboter la transition écologique qu’elle ne s’y serait pas pris autrement ! Quel manque de vision et de solidarité !«
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