« Ajustement à l’objectif 55 », le nouveau paquet climat

Lors de la première session plénière de juin, le Parlement européen devait voter des parties importantes du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » (Fit for 55). Mais tout ne s’est pas exactement passé comme prévu. On vous explique.

L’an dernier, la Commission européenne a proposé une série de nouveaux règlements, directives et plusieurs révisions de textes, appelé le paquet “Fit for 55”, c’est-à-dire une feuille de route permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne d’au moins 55% d’ici 2030. Ce paquet, qui est une concrétisation du Pacte vert européen, le “Green Deal”, contiendra au moins douze propositions pour le climat. Il déroulera les plans de la Commission pour que l’Europe soit le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050. Lors de la première session plénière de juin, le Parlement européen devait voter des parties importantes de ce paquet.
Mais tout ne s’est pas exactement passé comme prévu. La plupart des amendements ambitieux obtenus en commission de l’Environnement (ENVI) du Parlement ont été rejetés assez largement et la droite européenne (PPE), une partie de Renew Europe (où siègent les députés LREM) et une partie des socialistes ont détricoté les propositions. Ils se sont alliés pour proposer et faire adopter des amendements transformant les textes en tigres de papier.
Ainsi, là où la Commission environnement s’était mise d’accord pour mettre fin aux quotas gratuits en 2030, les conservateurs ont fait adopter un prolongement inacceptable de ces exonérations des pollueurs en proposant 2034 comme date de fin des quotas gratuits.
L’alliance des conservateurs a aussi piétiné l’ambition de réduction globale des émissions de gaz à effet de serre (GES) en proposant seulement 63% de réduction en 2050 au lieu des -67% adoptés par les députés de la commission de l’environnement.
Bonne nouvelle néanmoins, le texte sur le Système d’échange de quotas européen (SEQE) 2 a été adopté. Il repousse l’entrée en fonction du SEQE 2 pour les ménages à 2029 et le conditionne au Fonds social pour le climat.

Mais cela reste insuffisant, et face à la baisse de l’ambition, les Verts, la Gauche et les Socialistes ont voté contre le texte final, le renvoyant pour négociations supplémentaires en commission ENVI du Parlement. Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et le Fonds social pour le climat étant liés au SEQE, les deux textes ont été suspendus et attendront que ce dernier soit voté.
Les textes sont donc en cours de négociation au sein de la commission parlementaire et seront votés de nouveau en plénière le 22 juin.

En attendant, on vous explique ce que contiennent les 8 textes qui ont été discutés, et pour certains adoptés, lors de la première plénière de juin.

 

Le Système d’échange de quotas européen (SEQE)

De quoi s’agit-il ?

Le Système d’échange de quotas européen (SEQE – European Trading Systeme (ETS) en anglais) est un des instruments centraux de l’Union européenne pour protéger le climat. Pour faire simple, il oblige les gros pollueurs, comme les entreprises et les centrales électriques, à acheter des certificats d’émissions de gaz à effet de serre (GES) correspondant à la quantité de GES qu’ils émettent. Ces quotas sont plafonnés et leur quantité est réduite chaque année afin d’atteindre la neutralité climatique en 2050. Le SEQE rapporte aussi de l’argent qui peut être utilisé pour lutter contre le dérèglement climatique et pour soutenir financièrement celles et ceux qui sont le plus touchés par la crise climatique. (Comme pour le Fonds social européen pour le climat)

Nos priorités :

Le groupe Verts/ALE demande une réduction annuelle d’au moins 5,8% du plafond des émissions. Nous demandons aussi la fin des quotas gratuits : en effet, à l’heure actuelle, certaines industries (comme le ciment, l’acier et les produits chimiques) reçoivent des quotas gratuits à travers le SEQE et, ainsi, ne doivent pas payer pour leurs émissions de carbone : ce scandale doit cesser. Nous demandons aussi que les émissions des secteurs de l’aviation (aussi bien nationaux qu’internationaux) et du transport maritime soient inclus quand le SEQE. Il est temps que ces industries paient leur juste part pour les dégâts qu’ils causent au climat et à l’environnement. Cependant, afin d’éviter que cet instrument pèse sur le budget des citoyennes et des citoyens, nous ne pensons pas que les secteurs du transport routier et du bâtiment doivent être inclus.

 

Les émissions des produits importés (MACF)

De quoi s’agit-il ?

Alors que l’Union européenne réduit ses propres émissions (même si elle ne le fait pas assez), les émissions des produits importés sont en augmentation. Le MACF (Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières – Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM) en anglais) ajoutera un surcoût pour les émissions de carbone – ou “prix du carbone” – aux produits qui sont importés de l’extérieur de l’Union européenne qui devra être payé par l’importateur ou par le producteur. Ce prix sera équivalent à ce qui aurait dû être payé si le produit avait été fabriqué dans l’Union européenne. Plus les émissions de carbone seront élevées, plus les prix seront élevés et, à l’inverse, moins les émissions seront élevées, plus le prix sera bas. Donner un prix aux émissions de carbone est une manière de motiver les pays hors de l’Union européenne à passer à une production durable et neutre climatiquement.

Nos priorités :

Nous avons besoin d’un MACF ambitieux qui couvre la plupart des secteurs polluants et tous les types d’émissions, qui soit conforme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Actuellement, certaines industries de l’Union européenne reçoivent des quotas gratuits de certificats de CO2 à travers le Système d’échange de quotas européen (SEQE). Cela n’est pas compatible avec le MACF et doit donc cesser dès maintenant. Il n’y a aucune raison de continuer à donner à certaines industries le droit d’émettre gratuitement quand d’autres doivent payer.

 

Tous les pays de l’Union européenne doivent partager l’effort (ESR)

De quoi s’agit-il ?

Nous sommes tous dans le même bateau, nous devons donc tous nous battre ensemble contre le dérèglement climatique. Le règlement sur le partage de l’effort (Effort Sharing Regulation – ESR) fera en sorte que les efforts pour réduire les émissions dans l’Union européenne soient répartis de manière équitable. Il met en place des objectifs nationaux pour réduire les émissions dans chaque État membre de l’Union européenne. L’ESR ouvre la voie pour que tous les États membres de l’Union européennes soient neutres climatiquement au plus tard en 2050.

Nos priorités :

Ce texte établit des objectifs obligatoires, par pays, de réduction des émissions annuelles de GES pour les secteurs non inclus dans le SEQE (déchets, agricultures, bâtiment et transport). La proposition est de viser une baisse collective de 40% des émissions d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2005 (au lieu de -30% précédemment). Mais toutes celles et tous ceux qui écoutent la science savent que cela n’est pas suffisant pour arrêter le dérèglement climatique. Le groupe Verts/ALE souhaite que cet objectif soit rehaussé à une réduction de 55%. Nous voulons aussi corriger les lacunes de la proposition afin que les techniques qui n’éliminent pas suffisamment de carbone ne puissent pas être utilisées pour compenser une véritable réduction des émissions. Nous voulons également limiter la possibilité des États membres d’emprunter des quotas d’émissions à d’autres États afin de les empêcher de remettre à plus tard leur action pour le climat.

 

Les forêts ne peuvent pas résoudre à elles seules la crise climatique (LULUCF)

De quoi s’agit-il ?

“LULUCF” est le règlement européen sur l’utilisation des terres, les changements dans leur utilisation et sur l’exploitation forestière. Il s’attaque aux conséquences dramatiques de la déforestation sur les humains, les animaux, la biodiversité, l’environnement et le climat. Les forêts et les terres peuvent absorber et stocker le carbone, on appelle ça des “puits de carbone”. Ce sont des éléments cruciaux dans la lutte contre le dérèglement climatique et nous devons les protéger car une fois qu’elles ont disparu, elles ont disparu. Pourtant, l’exploitation intensive des forêts et des terres dans l’Union européen entraîne une diminution drastique de ces puits de carbone naturels et mettent la biodiversité de nos forêts en danger. Nous avons besoin d’un règlement LULUCF ambitieux, afin de nous assurer que nous pourrons compter sur nos puits de carbone naturels pour aider à garder l’équilibre de notre planète, pour aujourd’hui et pour l’avenir.

Nos priorités :

Le groupe Verts/ALE demande des objectifs contraignants de réduction d’émission de gaz à effet de serre pour l’exploitation forestière et l’utilisation des terres, pour l’Union européenne, mais aussi pour les différents États membres. L’Union européenne doit, également, fixer des objectifs contraignants afin d’augmenter le nombre et la surface des puits de carbone naturels. Nous voulons aussi nous assurer que les États membres de l’Union européenne ne puissent pas utiliser leurs forêts pour compenser des forts taux d’émissions dus à l’élevage ou à l’utilisation d’engrais. L’agriculture intensive est responsable de la destruction de nombre de nos écosystèmes et émet de grandes quantités de gaz à effet de serre. Nous ne pouvons pas permettre à l’agrobusiness de se cacher derrière les forêts. L’agriculture doit être traitée de façon différenciée des forêts et des autres écosystèmes.

 

Normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières et les camionnettes

De quoi s’agit-il ?

15% des émissions globales de gaz à effet de serre de l’Union européenne viennent du transport routier. Il est donc indispensable de les réduire si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques, mais les règles actuelles ne sont pas assez ambitieuses. Par ailleurs, s’attaquer aux émissions des voitures améliorera la qualité de l’air que respirent les citoyennes et les citoyens et réduira notre dépendance aux importations de combustibles fossiles venant de pays comme la Russie. Le paquet “Fit for 55” contient une mise à jour du règlement sur les normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières et les camionnettes. Son objectif est d’inciter le secteur automobile à investir plus dans la production de voitures zéro ou faible niveau d’émission. Cela ferait baisser le prix des véhicules électriques, les rendant plus accessibles. La proposition contient des objectifs contraignants pour que les constructeurs automobiles réduisent les émissions moyennes de tous les véhicules neufs.

Nos priorités :

Nous avons besoin que la Commission européenne prenne les choses en main et mette en place des règles pour aider les précurseurs de l’industrie automobile. Pour la première fois, l’Union européenne a dépassé la Chine au classement des constructeurs de voitures électriques. Nous devons nous assurer que ces véhicules soient produits de la manière la plus écologique possible. Nous demandons à la Commission européenne de fixer des exigences en matière d’efficacité énergétique pour les véhicules à zéro ou faibles émissions (en particulier concernant la quantité d’électricité nécessaire à rouler 100km). À la fin 2023, nous aimerions qu’une nouvelle proposition législative soit faite pour fixer des exigences minimum en matière d’éco-design pour les voitures particulières et les camionnettes qui prennent en compte l’efficacité énergétique, la durabilité et la réparabilité. Enfin, l’Union européenne doit absolument bannir la vente de véhicules essence et diesel neufs durant la prochaine décennie si nous voulons avoir une chance d’atteindre nos objectifs climatiques.

Ce texte a été adopté le 8 juin.

Le Fonds social pour le climat

De quoi s’agit-il ?

Le tout premier Fonds social pour le climat européen aidera les citoyennes et les citoyens européen·ne·s à payer leurs factures d’énergie et de transport que le dérèglement climatique fait grimper. Ce fonds est tout particulièrement à destination des ménages les plus vulnérables qui sont touchés par la précarité énergétique et des personnes touchées par la précarité liée aux transports. C’est un garde-fou qui permettra de s’assurer que personne ne soit oublié dans la nécessaire transition vers la neutralité climatique en 2050. L’argent du Fonds social pour le climat viendra du Système d’échange de quotas européen (SEQE).

Nos priorités :

Le Fonds social pour le climat est le premier instrument de l’Union européenne à s’attaquer à la précarité énergétique et à celle liée aux transports dans l’Union européen en fournissant un soutien financier à celles et ceux que cette précarité touche. Il pourra, par exemple, être utilisé pour financer la rénovation énergétique des bâtiments, la gratuité des transports ou les services de mobilité partagée afin d’aller vers un avenir sans énergies fossiles.

 

Le Système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne pour l’aviation

De quoi s’agit-il ?

Le secteur de l’aviation génère 15,7% des émissions de carbone des transports européens. Et on s’attend à ce que ces émissions augmentent de 53% chaque année d’ici 2040 (par comparaison avec les émissions de 2017). Par ailleurs, l’aviation génère d’autres types d’émissions qui ont un impact sur le climat deux fois plus important que les émissions de carbone. Les politiques climatiques européennes ne se sont pas penchées sur le secteur de l’aviation. Pendant ce temps, le train, qui est un moyen de transport bien plus respectueux de l’environnement, a payé le prix fort pour les émissions de CO2 de l’électricité qu’il utilise. Avec le Système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE) pour l’aviation, les compagnies aériennes paieront enfin pour leurs émissions de carbone.

Nos priorités :

Le groupe Verts/ALE demande qu’il soit mis fin aux quotas gratuits dont bénéficie l’aviation dans le Système d’échange de quotas d’émission européen le plus vite possible. Les compagnies aériennes ne doivent pas être autorisées à continuer à émettre des tonnes de carbone gratuitement quand les autres moyens de transport paient pour les leurs. Il est essentiel d’étendre le SEQE aux vols internationaux qui représentent la majeure partie des émissions du secteur européen de l’aviation et qui en sont actuellement exclus. Nous voulons également que le SEQE prenne en compte d’autres types d’émissions que les émissions de carbone afin de correspondre réellement aux dommages causés par ce secteur.

 

Réduction de carbone pour l’aviation (CORSIA)

De quoi s’agit-il ?

CORSIA, le Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation), est un cadre global fixant les réductions des émissions de l’aviation internationale. L’Union européenne a adopté un grand nombre de suspensions temporaires (appelées dérogations “stop-the-clock”), qui excluent tous les vols extra-européens du SEQE. La dernière dérogation s’applique jusqu’à 2023. CORSIA s’est avéré être un plan climat très peu ambitieux. Contrairement au SEQE, il n’a pas pour objectif de réduire progressivement les émissions, mais simplement de les stabiliser aux niveaux de 2019, année où les émissions ont atteint des sommets. Le paquet “Fit for 55” propose un certain nombre de changements, notamment, la sortie totale des quotas gratuits pour l’aviation européenne au 1er janvier 2027.

Nos priorités :

Le groupe Verts/ALE demande une extension sur SEQE à tous les vols vers et en provenance de l’Union européenne car il est bien plus ambitieux que CORSIA. Nous demandons aussi qu’un prix soit fixé pour les émissions hors-CO2. Par ailleurs, nous souhaitons une sortie des quotas gratuits, comme cela a été le cas au pic de la pandémie, quand le secteur de l’aviation a subi un contrecoup financier.

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