Dieselgate : « En 2014, l’industrie automobile a dépensé 18 millions d’euros en lobbying à Bruxelles »
L’ONG Corporate Europe Observatory (CEO) est spécialisée sur l’étude de l’influence des lobbies industriels sur la législation européenne et les décideurs politiques (Commission, Parlement européen, Etats membres) à Bruxelles.
Pascoe Sabido a expliqué que la législation RDE (Real Driving Emission) avait fait l’objet de stratégies de lobbying intenses et complexes de la part de l’industrie automobile, basées sur le chantage et l’affaiblissement du travail de la Commission dans le but de retarder puis d’amoindrir l’ensemble de ce paquet législative.
Il a souligné que 66% des d’experts impliqués dans le processus législatif au sein du groupe de travail monté par la Commission était des représentants de l’industrie, ce qui est le cas dans la plupart des cas, notamment quand il s’agit de légiférer sur les énergies fossiles.
Olivier Hoedeman a quant à lui insisté sur le manqué de transparence du processus législatif et recommande que tout le personnel de la Commission déclare ses rendez-vous avec les lobbies et en délivre des compte-rendu. Les travaux de CEO ont clairement montré que la DG GROW ne respecte pas les lignes directrices de la Commission au niveau de la consultation les parties prenantes qui demandent aux fonctionnaires des comptes-rendus des réunions importantes, notamment celles qui sont directement liées à un processus législatif en cours. Au delà de la question de la transparence, Olivier Hoedeman a déclaré qu’il devait y avoir un signal politique fort envoyé par la Commission pour en finir avec cette emprise règlementaire et donc réduire la dépendance à l’information et à l’expertise provenant du secteur concerné par le règlement. Il a cité l’exemple de l’ancien commissaire Michel Barnier qui interdisait à son équipe de rencontrer des lobbyistes pendant 3 mois après la phase de consultation, afin que la Commission puisse travailler en toute indépendance.
Pendant cette réunion, la commission d’enquête a également entendu Dorothée Saar, responsable de la division Transport et qualité de l’air de l’ONG environnementale allemande Deutsche Umwelthilfe (DUH).
Elle a confirmé que la DUH avait plusieurs fois informé les autorités allemandes des écarts croissants entre les émissions de NOx et de CO2 des voitures lors des tests et en conditions réelle de conduite depuis 2007. L’ONG avait également alerté sur le fait que le recours à des dispositifs illégaux d’invalidation pouvait être la cause du problème et demandé aux autorités de lancer des tests pour expliquer ces écarts.
Tout en reconnaissant qu’elles étaient conscientes du problème, les autorités allemandes n’ont pas lancé ces investigations jusqu’au scandale du diesel qui éclate en septembre 2015.
Madame Saar a dénoncé le fait que les autorités allemandes continuent de refuser de faire face aux constructeurs et de prendre des dispositions pour faire appliquer la loi alors même que les résultats de l’enquête nationale du Ministère des Transports démontrent un usage courant de dispositifs d’invalidation sur de nombreux modèles par différents constructeurs.
La DUH suspecte l’utilisation de logiciels depuis plusieurs années, ce qui rend peu probable le fait qu’aucun experts du JRC n’ait suspecté cette pratique dès lors qu’ils ont eux-mêmes trouvé des écarts sur des véhicules testés en 2010.
Durant l’audition de Madame Saar, il est apparu très clairement que la Commission européenne et au moins l’Allemagne auraient du lancer des enquêtes car ils disposaient d’assez d’éléments permettant de soupçonner une fraude aux émissions.