Courrier des député·e·s européen·ne·s à Emmanuel Macron relatif à la Hongrie

Le 7 décembre 2022, à l’initiative de Gwendoline Delbos-Corfield, des député·e·s des délégations françaises des groupes Verts/ALE, S&D et La Gauche ont écrit à Emmanuel Macron, Bruno Le Maire et Laurence Boone pour leur demander de soutenir la proposition de la Commission européenne de décision d’exécution relative à des mesures de protection du budget de l’Union contre les violations des principes de l’État de droit en Hongrie.

Bruxelles, le 7 décembre 2022,

Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Ministre de l’Économie et des Finances,
Madame la Secrétaire d’État chargée de l’Europe,

Ces prochains jours, les États membres de l’Union européenne discuteront de la proposition de la Commission européenne de décision d’exécution relative à des mesures de protection du budget de l’Union contre les violations des principes de l’État de droit en Hongrie.

Pour la première fois depuis l’adoption du Règlement 2020/2092 relatif à un régime de conditionnalité pour la protection du budget de l’UE, la Commission européenne propose de suspendre 65% de ses engagements pour trois programmes relevant de la politique de cohésion, ainsi que l’interdiction de conclure des engagements juridiques avec des fiducies d’intérêt public pour des programmes mis en œuvre en gestion directe et indirecte.

Cette proposition est une excellente nouvelle pour la protection des intérêts budgétaires de l’Union européenne, de l’État de droit et des droits fondamentaux des citoyen·ne·s hongrois·e·s.

Elle intervient 12 ans après que le Fidesz a repris le pouvoir en Hongrie et s’est appliqué à démanteler l’indépendance de la justice, le pluralisme des médias, les mécanismes de lutte contre la corruption, l’équilibre des pouvoirs, ainsi que les droits fondamentaux. Le 15 septembre 2022, le Parlement européen a une nouvelle fois exprimé sa préoccupation envers « les tentatives systématiques et délibérées du gouvernement hongrois de saper les valeurs fondatrices de l’Union consacrées à l’Article 2 du traité de l’UE et condamne ces tentatives »1. Un constat notamment partagé par la Commission européenne et le Conseil de l’Europe.

Les 17 mesures correctives proposées par le gouvernement hongrois sont une avancée encourageante. Toutefois, comme souligné par le Parlement européen le 24 novembre 20222,
« même leur mise en œuvre exhaustive ne semble pas de nature à suffire à remédier aux violations de l’État de droit portant atteinte ou présentant un risque sérieux de porter atteinte à la bonne gestion financière du budget de l’Union en Hongrie ». Une analyse alignée avec celle de la Commission européenne présentée le 30 novembre dernier. Ces propositions de mesures ne seront également pas suffisantes pour réparer les irrégularités relevées à de nombreuses reprises par l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) ces dernières années.

Bien que tout progrès en la matière doive être encouragé, il est difficile de souscrire, à l’heure actuelle, à la promesse que ces mesures suffiront à rétablir démocratie et État de droit en Hongrie. La mise en place de ces réformes nécessitera également un examen détaillé et régulier, à la fois de la Commission européen, mais également, du Conseil.

Le mécanisme de conditionnalité lié à l’État de droit n’est pas seulement une avancée majeure pour la protection du budget de l’Union européenne et un usage de l’argent public. Il permet également à l’Union européenne de mieux protéger l’État de droit, et in fine, de mieux protéger les citoyen·ne·s. Deux ans après son adoption, il est essentiel qu’il soit enfin appliqué de manière ambitieuse et proportionnelle.

Face aux nombreuses menaces de blocages par le Premier ministre hongrois Viktor Orbán de décisions-clés nécessitant l’unanimité des États membres, il est essentiel que la Commission européenne, le Conseil de l’UE et le Conseil européen fassent preuve de solidarité et de fermeté, pour la pérennité du projet européen.

Pour ces raisons, il est crucial que les États membres soutiennent la décision d’exécution proposée par la Commission de suspendre 65% de ses engagements pour trois programmes relevant de la politique de cohésion. Un pourcentage en-deçà de la proposition de la Commission européenne constituerait un précédent dommageable pour l’application future du mécanisme de conditionnalité lié à l’État de droit, alors que celui-ci constitue à l’heure actuelle l’outil principal pour une utilisation transparente et une gestion démocratique des fonds européens.

La France, notamment lors de sa Présidence du Conseil de l’UE au premier semestre 2022, a toujours été un fer de lance de la lutte pour la sauvegarde de l’État de droit. Ces prochaines semaines seront cruciales et nous espérons que vous serez à la hauteur de vos engagements.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Madame la Secrétaire d’État, l’assurance de notre considération distinguée.

Gwendoline Delbos-Corfield
Députée européenne Verts/ALE et Rapportrice du Parlement européen sur la situation de l’État de droit en Hongrie

—–

Notes :

1 Rapport intérimaire du Parlement sur la proposition de décision du Conseil constatant, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, l’existence d’un risque clair de violation grave, par la Hongrie, des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée (15 septembre 2022) (retour au texte 1)

2 Résolution du Parlement européen sur l’évaluation du respect par la Hongrie des conditions relatives à l’Etat de droit prévues par le règlement relatif à la conditionnalité et l’état d’avancement du PRR hongrois (24 novembre 2022) (retour au texte 2)

Signataires

 

François Alfonsi
député européen
groupe des Verts/Alliance libre européenne
Sylvie Guillaume
députée européenne
groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates
Éric Andrieu
député européen
groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates
Yannick Jadot
député européen
groupe des Verts/Alliance libre européenne
Manon Aubry
députée européenne
Présidente du groupe de la gauche au Parlement européen
Aurore Lalucq
députée européenne
groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates
Benoît Biteau
député européen
groupe des Verts/Alliance libre européenne
Pierre Larrouturou
député européen
groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates
Damien Carême
député européen
groupe des Verts/Alliance libre européenne
Nora Mebarek
députée européenne
groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates
David Cormand
député européen
groupe des Verts/Alliance libre européenne
Marina Mesure
députée européenne
Présidente du groupe de la gauche au Parlement européen
Leila Chaibi
députée européenne
groupe de la gauche au Parlement européen
Anne-Sophie Pelletier
députée européenne
Présidente du groupe de la gauche au Parlement européen
Karima Delli
députée européenne
groupe des Verts/Alliance libre européenne
Michèle Rivasi
députée européenne
groupe des Verts/Alliance libre européenne
Pascal Durand
député européen
groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates
Caroline Roose
députée européenne
groupe des Verts/Alliance libre européenne
Raphaël Glucksmann
député européen
groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates
Mounir Satouri
député européen
groupe des Verts/Alliance libre européenne
Claude Gruffat
député européen
groupe des Verts/Alliance libre européenne
Marie Toussaint
députée européenne
groupe des Verts/Alliance libre européenne
Partager cet article

Les commentaires sont fermés.