« Nous appelons à la libération des défenseurs des droits humains injustement détenus en Égypte »
Cette tribune publiée par Le Monde, AFP, France 24, Al Jazeera, et regroupant la signature d’un collectif de 66 député.e.s et eurodéputé.e.s français.e.s appelle à la libération de Ramy Shaath et des défenseurs des droits humains détenus arbitrairement en Égypte.
Tribune. Le 25 janvier 2011, les Égyptiens descendaient dans les rues pour demander pain, liberté et justice sociale. Neuf ans après, le constat est sans équivoque : le changement qu’ils réclamaient ne s’est pas produit.
Pire, nous assistons même à un durcissement sans précédent de la répression qui s’exerce aujourd’hui à l’égard de la société civile, des défenseurs des droits humains, des militants politiques, avocats et journalistes. Neuf ans après, ceux qui ont porté la révolution égyptienne ont été emprisonnés par milliers, à l’image d’Alaa Abdel Fattah, Ziad El-Eleimy, Mahienour El-Massry, Haytham Mohamadeen, Mohamed El-Qassas ou encore Ramy Shaath.
Cofondateur et ancien secrétaire général par intérim du parti égyptien Al-Destour en 2012, ce dernier est une figure de la révolution égyptienne de 2011. Il est aussi le cofondateur du mouvement BDS [Boycott, désinvestissement, sanctions] en Egypte. Harcelé depuis de nombreuses années par les autorités, il est arrêté le 5 juillet 2019 par les forces de l’ordre à son domicile. Il ne réapparaîtra que trente-six heures plus tard devant le parquet de la Sûreté de l’Etat, sans avoir pu contacter son avocat ou sa famille.
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Son épouse française est expulsée manu militari du pays où elle réside pourtant légalement depuis plus de sept ans. La détention provisoire de Ramy Shaath est depuis régulièrement renouvelée, sans aucun fondement légal. A plusieurs reprises, ses audiences ont même été décalées par surprise, empêchant de fait la présence d’observateurs internationaux. Détenu dans des conditions inhumaines et privé de soins appropriés comme le reste de ses codétenus (ils sont dix-huit dans 25m²), sa santé s’est détériorée.
Dénigrement et harcèlement
Le traitement qu’il subit est emblématique de la répression en cours : dénigrement et harcèlement, arrestations de masse, disparitions forcées, procédures inéquitables, mauvais traitements en prison. Il y a quelques jours, Moustafa Kassem, un ressortissant américain, est décédé en prison des suites d’une grève de la faim et de négligences médicales. Deux autres prisonniers sont morts de froid. Près de quatre mille personnes ont par ailleurs été arrêtées ces derniers mois. Dans son dernier rapport, Amnesty International évoque une « justice parallèle » qu’incarne le parquet général de la Sûreté de l’Etat et un « Etat permanent d’exception ».
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Nous, députés et eurodéputés français, sommes très préoccupés par cette situation dramatique, contraire à l’ensemble des engagements internationaux pris par l’Égypte. Nos démarches, en particulier auprès de l’ambassadeur d’Égypte en France, sont restées sans réponse. Malgré les conclusions de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme sur la situation en Égypte, bien que le cas de Ramy Shaath ait été soulevé en Égypte par le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, malgré notre action de parlementaires français et européens, le silence des autorités égyptiennes est assourdissant.
En cet anniversaire de la révolution de 2011, nous continuons d’appeler solennellement à la libération des défenseurs des droits humains injustement détenus en Égypte, comme nous appelons les autorités françaises à tout mettre en œuvre pour permettre ces libérations. En Égypte comme ailleurs, nul ne devrait perdre sa liberté pour avoir défendu celle des autres.