Dépendance aux engrais de synthèse : une menace climatique, sociale et géopolitique

Alors que s’ouvre le Salon de l’agriculture et que l’agression russe en Ukraine menace de faire exploser le prix des hydrocarbures, Claude Gruffat et Benoît Biteau, eurodéputés écologistes, publient une étude sur le fardeau des engrais de synthèse.

Il y a urgence à questionner l’addiction de l’agriculture européenne à ces produits au bilan climatique pire que celui de l’aviation et dont le prix et la provenance sont susceptibles de menacer la souveraineté alimentaire européenne.

Réaction de Claude Gruffat, eurodéputé écologiste :

“Les agricultrices et les agriculteurs ont déjà vu le prix des engrais tripler au cours de l’année 2021 en raison de la hausse des prix du gaz. Qu’adviendra-t-il si le gouvernement russe met ses menaces à exécution pour que l’envolée des cours du gaz se poursuive ? Comment imaginer une seconde que l’on puisse baser la stratégie de résilience agricole et alimentaire européenne sur des produits d’importation dont le cours est indexé à celui des hydrocarbures ? 

La France consomme à elle seule environ 2.2 Mt d’azote synthétique. C’est le seul État européen figurant parmi les 10 premiers consommateurs d’engrais de synthèse au monde.

La société dans son ensemble paye le prix de notre dépendance aux engrais azotés de synthèse puisqu’ils coûtent plus cher qu’ils ne rapportent. Ils représentent en moyenne un surcoût de 37 milliards d’euros par an pour les européen·ne·s (coût sanitaire, biodiversité, climat). Cela a aussi des conséquences sociales puisque cela impacte au final le pouvoir d’achat des citoyen·ne·s. 

L’agriculture biologique est une réponse à ce problème car elle est basée sur des approches agronomiques excluant ce type de produits. C’est aussi pourquoi je m’en fais le défenseur en tant que négociateur des écologistes européens sur le plan d’action bio européen en cours de discussion.”

 

Réaction de Benoît Biteau, eurodéputé écologiste et paysan :

Les engrais de synthèse sont un fardeau climatique et social. 1 tonne sur 40 des émissions de gaz à effet de serre mondiales vient de l’industrie des engrais azotés de synthèse. C’est plus que les émissions de l’aviation commerciale. Malheureusement, les mesures politiques concrètes et efficaces visant leur réduction sont inexistantes aujourd’hui en Europe.

La stratégie de la Ferme à la fourchette vise une réduction de 20% des engrais azotés d’ici 2030. Mais où sont les mesures concrètes pour atteindre cet objectif ? Les solutions agronomiques existent et l’Union européenne doit désormais se donner les moyens politiques et financiers de les mettre en œuvre.

 

Engrais de synthèse : éléments de contexte

Les plantes, comme l’ensemble des êtres vivants, ont besoin d’azote pour se développer. Les engrais azotés de synthèse sont issus de la fixation artificielle de l’azote atmosphérique. Inventés dans l’entre-deux-guerres, ils ont contribué à augmenter très rapidement les rendements agricoles dans la deuxième moitié du XXe siècle.

Aujourd’hui, l’Europe consomme plus de 10 millions de tonnes d’azote sous forme d’engrais de synthèse chaque année. Si la consommation stagne en Europe, elle augmente dans le monde en raison des stratégies de développement de l’industrie des engrais qui visent notamment le continent africain.

 

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