Peut-on lutter contre le terrorisme aux côtés d’un dictateur ? Face au régime égyptien, en finir avec la compromission

21 mars 2022

En début d’année, un document confidentiel fuitait du Service d’action extérieure de l’Union européenne, confirmant que les États membres de l’Union européenne donnaient leur accord pour que l’UE dépose une candidature conjointe avec l’Égypte pour co-présider le Forum mondial de lutte contre le terrorisme. Au vu de l’utilisation par l’Égypte de la lutte contre le terrorisme comme excuse pour une répression des opposant-e-s démocratiques, défenseurs-ses des droits, journalistes, chercheurs-ses, étudiant-e-s, les ONGs de défense des droits humains comme Human Rights Watch dénnonçaient cette initiative. Devant l’absence de remise en question de cette décision de la part des parties prenantes européennes, Mounir Satouri, rapporteur permanent du Parlement européen sur l’Égypte, refuse le silence face à cette dérive qui trahit les positions du Parlement européen.

 Retrouvez la tribune dans Regards en français, sur Euractiv en langue anglaise sur cette page et dans Domani en Italien🇮🇹 sur cette page.

Les co-signataires de la tribune en Italie: les député-e-s européen-ne-s Verts/ALE ROSA D’AMATO, ELEONORA EVI, IGNAZIO CORRAO et PIERNICOLA PEDICINI.

Peut-on lutter contre le terrorisme aux côtés d’un dictateur ? Face au régime égyptien, en finir avec la compromission

Les dirigeants de l’Union européenne feraient bien de s’en souvenir, alors qu’ils s’apprêtent en coulisse à confier, à la fin du mois de mars, à l’Égypte la coprésidence du Forum mondial de lutte contre le terrorisme à leurs côtés. Associer une grande puissance arabe dans ce domaine peut sembler être une bonne intention. Mais cela reviendrait à donner un blanc-seing à un pays qui instrumentalise ce combat légitime pour bafouer les droits humains. Quelles bonnes pratiques l’Égypte aurait-elle à partager en la matière, elle qui a détourné l’Opération française Sirli de la lutte contre le terrorisme pour abattre de simples contrebandiers ?

Depuis 2014 et l’accession au pouvoir du maréchal Abdel Fatah al-Sissi par un coup d’État militaire, l’Égypte n’a fait que s’enfoncer dans une crise des droits humains. On compte 60.000 prisonniers politiques dans le pays, soit l’équivalent d’une ville comme Lorient ou Montauban. Des innocents, y compris des défenseurs des droits humains, des journalistes et des avocats, qui sont souvent incarcérés arbitrairement sur la base de fausses accusations de terrorisme, pratique devenue un mode de répression systémique pour le régime égyptien.

Des incarcérations arbitraires

Parmi eux, figure Alaa Abdel Fattah, icône de la révolution de 2011 et tombeur du régime de Moubarak. Après avoir passé plusieurs années en prison depuis 2013, ce bloggeur démocrate a été inscrit sur la liste terroriste par les autorités égyptiennes en 2020. Il vient d’être condamné à 5 ans de prisons aux côtés de son avocat Mohamed Al-Baqer et d’un autre bloggeur, Mohamed « Oxygen » Ibrahim.

Les étudiants sont particulièrement visés par ces fausses accusations, comme Ahmed Samir Santawy, étudiant à Vienne, spécialiste des droits sexuels, kidnappé, torturé et condamné sans preuve pour des accusations liées au terrorisme.

Patrick Zaki, étudiant à Bologne interpellé en février 2020 au Caire alors qu’il rendait visite à sa famille, a quant à lui été libéré en décembre 2021, après une formidable mobilisation de son pays d’accueil. Il faut dire que l’Italie demeure traumatisée depuis 2016 par le meurtre barbare de l’étudiant Giulio Regeni par les forces de sécurité égyptienne, alors qu’il travaillait sa thèse sur les syndicats en Égypte.

La compromission d’Emmanuel Macron

En France, l’indignation face à cette dérive dictatoriale tarde à se faire entendre. Alors qu’il préside le Conseil de l’Union européenne, Emmanuel Macron est prêt à s’asseoir sur les valeurs humanistes françaises pour pactiser avec le maréchal. Rappelons que ce dernier est un des principaux acheteurs d’armes françaises. Un véritable pacte militaro-industriel, qui permet à peine au gouvernement français d’obtenir ne serait-ce que des libérations symboliques, comme celle de l’activiste Ramy Shaath, marié à une française. Derrière ces rares bonnes nouvelles, la situation se dégrade en Égypte sur le front des libertés, alors que les dirigeants européens continuent de dérouler le tapis rouge au dictateur égyptien.

 

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