Fonds européen de défense: les écologistes européenn·e·s dénoncent le manque de contrôles et une fausse promesse
Le Fonds européen de défense (FEDEF) est censé soutenir la coopération en matière de défense entre les entreprises de défense des pays de l’UE pour favoriser la recherche et le développement commun de matériel et technologies de défense. Le FEDEF financera des projets de R&D qui rassemblent 3 entreprises établies dans 3 Etats membres et sera ouvert aux entreprises britanniques également.
Mounir Satouri a dénoncé aujourd’hui en plénière, alors que le Parlement s’apprête à adopter le Fonds après une deuxième lecture, plusieurs dimensions inacceptables de ce fonds voulu par les industriels, le gouvernement français, le Commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton et la droite de l’hémicycle.
"Ce fonds ne permettra pas l'intégration de notre industrie de défense.
Plus grave : il est très opaque et pourra être étendu au financement des bombes nucléaires françaises.
Pour une Europe qui se rêvait un projet de paix, c'est inacceptable !" @MounirSatouri #EPlenary pic.twitter.com/LqxgJzXQJd— Eurodéputé·e·s EE 🌍 (@euroecolos) April 29, 2021
Les débats sur ce fonds de 8 milliards, en cours depuis plusieurs années à Bruxelles, aboutissent aujourd’hui. Le Commissaire au marché intérieur Thierry Breton, ancien PDG dans l’industrie de la surveillance proche des milieux de l’industrie de la défense, a joué un rôle important pour favoriser sa création.
Manque de contrôle parlementaire et éthique
Il n’y aura aucun contrôle par le Parlement européen de ce qui sera financé par ce fonds tout du long de la mise en place et de l’utilisation du fonds. Peu avant les élections européennes de 2019, les groupes ECR, PPE et Renew ont renoncé aux actes délégués pour les programmes de travail du FEDEF – et ce, contre la ligne fixée par le Conférence des présidents du Parlement qui veut que de tels fonds soient contrôlés par le Parlement par le système des actes délégués. Ces groupes de la droite et du centre de l’hémicycle ont fait valoir que la défense est un domaine particulier et que les États membres refusent la participation du Parlement européen. Pour les Verts/ALE, la défense est en effet un domaine particulier, car le FEDEF financera de la technologie létale, et il doit donc y avoir un contrôle parlementaire et de la transparence. La défense européenne ne peut se construire qu’avec un pilier démocratique fort.
Hormis un meilleur contrôle parlementaire, les Verts/ALE ont proposé un comité d’éthique composé d’experts indépendants de divers horizons. Il s’agit d’une mesure de contrôle standard. Mais à cause des pressions de certains gouvernements, dont le gouvernement français et des lobbys, les experts en éthique de la défense seront essentiellement des experts juridiques des ministères nationaux de défense. Ce qui signifie qu’il n’y a aucune garantie d’évaluation éthique indépendante.
Les armes de destruction massives non exclues
Grâce aux propositions des Verts/ALE et aux pressions exercées au cours des négociations, le développement de robots tueurs (systèmes d’armes autonomes mortels) ne peut être financé par le Fonds. Mais malgré les amendements voulus par les Verts/ALE, il sera possible d’utiliser les fonds du FEDEF pour financer les armes nucléaires et leurs vecteurs dans le futur. Ces développements ne sont pas si improbables du fait de la fin du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire et l’offre d’Emmanuel Macron d’européaniser dans une certaine mesure la « force de frappe » française. Il pourrait y avoir un appétit dangereux pour mutualiser les coûts de l’arsenal nucléaire dans le futur. Pour Mounir Satouri, « C’est inacceptable, la France doit montrer la voix du désarmement et non chercher à faire porter le poids économique et éthique de son arsenal nucléaire à toute l’Europe ».
Les exportations d’armes résultant du FEDEF, un problème non résolu
Rien dans le texte du FEDEF n’oblige les bénéficiaires de ces 8 milliards d’euros à respecter les 8 critères de l’UE sur les exportations d’armes et à harmoniser les politiques nationales d’exportation divergentes par la mise en place d’un suivi au niveau de l’UE. La proposition des Verts/ALE en ce sens a été rejetée.
Le fonds européen de défense, une fausse promesse
En tant que force politique pro-européenne, les Verts/ALE préconisent fortement la coopération en matière de défense entre les États membres au niveau de l’UE. Mais les initiatives actuelles, dont le Fonds européen de défense (FEDEF) ne sont pas adéquates.
Il est faux de supposer que le FEDEF réduira les dépenses de défense nationale. En réalité, cette dépense s’ajoute à l’augmentation constante des budgets de défense nationale et les représentants européens ont fait valoir vis-à-vis de leur allié américain au sein de l’OTAN que le FEDEF doit être considéré comme une tentative de se rapprocher collectivement de l’objectif de dépenses de défense de l’OTAN de 2 % du PIB.
Plus encore, le FEDEF manque de mécanismes, de clauses ou de critères qui puissent garantir que les forces armées européennes, lorsqu’elles utilisent la technologie développée grâce au FEDEF, deviennent interopérables. L’absence de telles normes, n’est pas le seul grand manquement du FEDEF à ses promesses: ce Fonds manque aussi de règles pour assurer la sécurité d’approvisionnement des Etats européens, c’est-à-dire des règles qui garantissent que pendant la durée de vie de cette technologie, qui est de 30 à 40 ans, les forces armées européennes puissent coopérer et entreprendre des missions et des opérations conjointes.
Le manque d’ambition en matière de régulation de l’industrie de la défense
Selon la Commission, il existe 178 systèmes d’armes différents dans l’UE, contre 30 aux États-Unis. Il y a plus de producteurs d’hélicoptères en Europe qu’il n’y a de gouvernements capables de les acheter. Pour Mounir Satouri, « nos pays pourraient économiser des milliards en budget militaire en intégrant leurs industries de défense, mais ce n’est pas par ce Fonds européen de défense que nous le ferons ». La Commission a démontré, lors de la présentation du Plan d’action pour la défense, que les surcapacités industrielles, la fragmentation et l’inefficacité conduisent à des doubles emplois et à la fragmentation. Les États membres gaspillent de 25 à 100 milliards d’euros par an en raison de doubles emplois et d’autres inefficacités.
Les Verts/ALE promeuvent donc une approche régulatrice plutôt que des subventions. Comme pour la création du marché intérieur, l’Europe doit adopter plus de directives et de règlements, pour parvenir à réellement réduire les duplications de capacités industrielles de défense dans l’UE.
Les Verts/ALE ont proposé des initiatives de grande envergure, beaucoup plus radicales que le Fonds de défense européen, la mobilité militaire et la plupart des projets actuels de la Coopération structurée permanente en matière de défense (PESCO). Les Verts/ALE proposent un cadre de coopération pour la recherche et le développement militaires, l’acquisition conjointe de matériel militaire, la maintenance et de la formation conjointes, la mise en place d’unités militaires multinationales permanentes, une capacité de planification et de commandement au niveau de l’UE (également pour les missions exécutives) et des opérations militaires de l’UE plus ambitieuses (également dans des conflits de moyenne et haute intensité).
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