Fusion Bayer-Monsanto : la Commission européenne ouvre une enquête
BaySanto, le monstre de l’agro-business dont nous dénonçons le projet depuis des mois ne verra peut-être pas le jour. Margrethe Vestager, commissaire européenne chargée de la politique de concurrence, évoque en effet une série de points très problématiques posés par le projet.
En septembre 2016, le géant de la chimie Bayer et Monsanto – le producteur du Roundup (herbicide basé sur le glyphosate) et de l’unique plante OGM autorisée à la culture dans l’UE (le maïs Mon 810) – annonçaient leur projet de fusion. La Direction générale de la concurrence de la Commission européenne, dont la validation préalable est obligatoire pour ce type d’opération, vient de publier ses observations préliminaires sur ce dossier. La Commission pointe une liste impressionnante de risques et problèmes liés à la possible fusion, d’ores et déjà contestée par des centaines de milliers de citoyens.
Pour Eva JOLY, membre de la commission parlementaire Affaires économiques, « il est clair que la Commission européenne partage nos craintes concernant cette fusion, notamment en ce qui concerne les risques pesant sur le marché des pesticides. Ce qui est surprenant c’est qu’elle ne préconise pas un rejet pur et simple de l’opération à ce stade. »
D’après la Commission elle-même, cette fusion « entraînerait la création de la plus importante entreprise intégrée du monde dans les secteurs des pesticides et des semences. Elle regrouperait deux concurrents possédant de vastes portefeuilles dans les domaines des herbicides non sélectifs, des semences et des caractères agronomiques, et de l’agriculture numérique (…) En outre, l’opération aurait lieu dans des branches d’activités déjà concentrées au niveau mondial, comme le montrent les concentrations récentes entre Dow et Dupont et entre Syngenta et ChemChina. » En effet, les deux dernières « méga-fusions » vécues par le secteur des intrants agricoles n’ont fait qu’aggraver la situation déjà précaire des agriculteurs.
Au niveau de l’Union européenne, le marché des semences est déjà terriblement dense. Une contre-vérité largement répandue suggère que le marché européen de la production des graines soit réparti entre une multitude de PME. Celles-ci sont en fait aux mains d’un très petit nombre d’acteurs très puissants. En 2014, seulement 4 entreprises contrôlaient 95 % du marché des semences maraichères, dont Bayer et Monsanto (1). La Commission pointe cet état de fait comme un souci majeur, citant notamment le cas des graines de colza.
En outre, la Commission rappelle que Bayer et Monsanto commercialisent les deux herbicides les plus utilisés de l’UE : le glyphosate et le gluphosinate d’ammonium. L’apparition d’herbes résistantes aux herbicides étant par ailleurs liée à la faible diversité des molécules mises à disposition des agriculteurs, la Commission reconnait le risque de voir cette situation encore empirer suite à la fusion.
Celle-ci ne ferait qu’ajouter à une situation déjà intenable pour les agriculteurs. Les coûts liés aux intrants ont bondi de près de 40% entre 2000 et 2010 tandis que l’augmentation des prix de vente des productions agricoles ne dépasse pas 25% en moyenne d’après Eurostat. Ainsi, le prix des fertilisants et autres enrichisseurs des sols a augmenté de près de 80%, celui des semences et plantations de 30% et celui des pesticides de 13% (comme révélé par un rapport parlementaire de 2011 citant Eurostat).
«Il faut éviter l’émergence d’un tel monopole sur les semences, pesticides et médicaments. Le rachat de Monsanto par Bayer, c’est la prise de contrôle du tiers du marché des semences et du quart du marché des pesticides. Ce monopole pourra encore plus imposer ses produits et ses prix. Il est temps de lutter contre la précarisation des agriculteurs. Cela passe par la promotion de modèles basés sur la variété des modes de production et notamment la possibilité de se passer de ces intrants chimiques, » rappelle Michèle RIVASI, porte-parole Environnement des élus européens écologistes. « C’est la responsabilité de l’UE que de protéger ses agriculteurs contre la puissance de l’agro-business. » Seule une interdiction de cette fusion peut y contribuer. Les élus Europe Écologie appellent donc la Commission à aller au bout de sa propre logique et à interdire l’opération au nom du respect des agriculteurs et de leur droit à vivre décemment de leur travail. »
Pour rappel, cette fusion constitue par ailleurs une opération périlleuse pour Bayer, qui hériterait des nombreuses casseroles de Monsanto, parmi lesquelles un procès ouvert aux USA où des agriculteurs accusent certains produits de la firme d’être à l’origine de cas de cancers tels que le Lymphome non-hodgkinien. Une procédure qui a permis de faire la lumière sur les méthodes scandaleuses utilisées par la multinationale pour masquer les risques potentiels liés à ses produits.
(1) Voir « Concentration of market power in the EU seed market » par Ivan Mammana