Le Parlement s’apprête à affaiblir sa propre institution pour favoriser la réussite de l’accord avec le Mercosur
Mardi 18 novembre, les représentants du groupe informel du Parlement européen sur le Mercosur ont reçu une réponse officielle des services du Parlement indiquant que leur demande de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’était pas recevable car le Conseil n’avait pas encore présenté sa demande d’approbation au Parlement.
Aucun motif juridique n’a été invoqué pour justifier cette décision. Et pour cause, il n’y a aucun motif juridique pour cela (voir annexe ci-dessous).
Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est une ingérence politique au sein de l’administration du Parlement européen pour faciliter l’adoption d’un accord commercial. Il s’agit d’un déni du droit de 145 député·es européen·nes de demander un vote sur le sujet dès maintenant. Nous dénonçons cette décision. La Conférence des présidents se réunit ce soir pour décider du calendrier de la semaine prochaine. Cette décision pourrait alors être corrigée car elle ne repose sur aucun fondement juridique.
Cette décision aura des conséquences bien plus importantes que l’adoption de l’accord avec le Mercosur. Elle soumet notre institution au calendrier du Conseil et place le Parlement à sa merci. Elle nous empêchera de saisir la Cour de justice pour contester la décision du Conseil de ne pas exiger l’accord du Parlement sur tout accord international. Pas de renvoi pour approbation, pas de Cour de justice. Cela montre à quel point l’argument de la non-recevabilité est faible.
Nous appelons la Conférence des présidents à examiner attentivement les conséquences de cette décision pour la crédibilité du Parlement européen et sa capacité à exercer ses prérogatives à l’avenir.
Les représentants du groupe informel
Krzysztof HETMAN (PPE, PL)
Benoît CASSART (Renew, BE)
Chloé RIDEL (S&D, FR)
Majdouline SBAI (Verts/ALE, FR)
Manon AUBRY (Gauche, FR)
Céline IMART (PPE, FR)
Ciaran MULLOOLY (Renew, IE)
Jean-Marc GERMAIN (S&D, FR)
Saskia BRICMONT (Verts/ALE, BE)
Lynn BOYLAN (Gauche, IE)
Annexe
• Conformément à l’article 218, paragraphe 11, du TFUE, « un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission peuvent demander à la Cour de justice de se prononcer sur la compatibilité d’un accord envisagé avec les traités ». Les juristes ont qualifié cette prérogative de « contrôle préventif ex ante » des accords internationaux. Il n’est fait mention nulle part d’une institution liée à une autre pour solliciter un tel avis.
• Conformément à l’article 117 du règlement intérieur du Parlement européen, « à tout moment avant que le Parlement ne se prononce sur une demande d’approbation ou d’avis, la commission compétente, ou au moins un dixième des membres qui composent le Parlement, peut proposer que le Parlement demande à la Cour de justice de rendre un avis sur la compatibilité d’un accord international avec les traités ». En tout état de cause, la prérogative du Parlement conférée par les traités ne peut être limitée par une interprétation de nos règles internes, celles-ci étant de rang inférieur dans la hiérarchie des normes. Elle ne peut pas non plus être limitée par les actions des autres institutions.
• La CJUE, dans son avis 2/94, CEDH, a déjà souligné qu’elle peut rendre un avis lorsque le texte (préliminaire) de cet accord est rédigé.
• Il existe même un précédent, puisque le Parlement européen a adopté, le 4 avril 2019, une résolution demandant à la CJUE de se prononcer sur la compatibilité avec les traités des propositions d’adhésion de l’UE à la convention d’Istanbul avant que le Conseil n’envoie les documents relatifs à la procédure de consentement.
• Le processus d’élaboration d’une résolution accompagnant l’accord avec le Mercosur a déjà commencé au niveau des commissions, de sorte que le Parlement ne peut, d’une part, ne pas consulter la CJUE et, d’autre part, poursuivre ses travaux en vue de l’adoption de l’accord. Il devrait y avoir une certaine cohérence au niveau du PE.
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