Lettre à Emmanuel Macron au sujet de la Politique agricole commune

Après avoir interpellé, en vain, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, David Cormand et Michèle Rivasi se tournent vers Emmanuel Macron pour qu’il s’engage pour une réforme en profondeur de la PAC.

À l’attention de Monsieur le Président de la République

Bruxelles, le 24 avril 2020

Monsieur le Président,

Comme la quasi-totalité des Français et Françaises, nous avons écouté, avec intérêt, votre allocution du 13 avril dernier qui a annoncé la poursuite des mesures de confinement jusqu’au 11 mai, au moins, afin de préserver le pays des conséquences sanitaires dramatiques de l’épidémie Covid-19 et d’éviter, ainsi, la mort de plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyen·ne·s.

Si nous soutenons cet effort collectif, nous en mesurons aussi les causes et les conséquences. Il faudra en tirer les enseignements afin de retrouver, notamment, des politiques sanitaires efficaces suite aux graves affaiblissements qu’elles ont subis ces dernières années. Miser sur la prévention et permettre la mise à disposition du matériel nécessaire est primordial.

La France doit se réformer et cette crise est un révélateur de cette nécessité. Nous devons changer notre modèle et il est urgent d’agir pour donner une autre direction à l’économie, mettre le pacte vert au cœur de nos futures politiques et protéger notre biodiversité.

Notre groupe sera attentif à chacune de vos initiatives qui prolongeront votre discours dans les faits à travers une démarche politique nouvelle. Au Parlement européen, où nous siégeons, nous contribuerons à consolider le Green New Deal et à contrer les lobbies qui font la promotion d’un monde économique dangereux et dépassé pour remettre l’humain au centre des préoccupations.

Aujourd’hui, nous souhaitions vous faire part de nos vives inquiétudes quant à la Politique Agricole Commune dont les institutions européennes (Commission, Parlement, Conseil) s’apprêtent à finaliser, d’ici octobre, le contenu pour les sept années à venir. Nous avons, par courrier en date du 2 avril 2020, interpellé votre ministre de l’Agriculture à ce sujet, mais sans réponse jusqu’à présent.

Cette nouvelle PAC, qui prolongera et aggravera celle qui lui a précédé, est, vous le savez, l’antithèse absolue des orientations que votre discours du 13 avril a mises en avant. Fondée sur les pesticides et les engrais de synthèse, sur l’épuisement des sols, sur l’importation massive de produits alimentaires obtenus au prix de la déforestation massive de l’Amazonie, de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique, l’agriculture européenne, telle que conduite actuellement, ne fera qu’aggraver et perpétuer les causes qui ont conduit à la crise majeure que nous traversons aujourd’hui.

Son impact climatique est énorme, puisque un tiers des émissions de gaz à effet de serre est issu de l’agriculture. Son coût considérable, puisqu’elle mobilise, pour perfuser son modèle économique, 40% du budget de l’Union européenne et des enveloppes publiques pharaoniques pour supporter les mesures curatives nécessaires à la réparation des dégâts de ces pratiques. L’Europe ne peut pas continuer comme cela pendant sept années encore ! D’autant plus que l’agriculture, aujourd’hui à la fois coupable et victime du changement climatique, peut être une solution efficace à son atténuation si l’ensemble des pratiques agricoles sont mobilisées pour séquestrer des gaz à effet de serre.

En tant que député·e·s européen·ne·s, nous nous battons pour que cela change, pour que l’Europe aille au plus vite vers sa souveraineté alimentaire.

La pandémie de COVID19 a révélé les failles et impasses de ce modèle, seule une refonte complète des logiques agricoles et agro-alimentaires et de la PAC peut répondre aux enjeux actuels et aux engagements que vous avez pris dans votre allocution de la semaine dernière.

Nous réclamons un régime transitoire de 2 ans pour laisser le temps de cette refonte.

Après la crise majeure que nous vivons, nous ne pouvons pas continuer cette politique agricole commune mortifère pour la biodiversité, pour le climat, pour les consommatrices et les consommateurs, comme pour les agricultrices et les agriculteurs. Nous vous demandons de vous engager pour qu’elle soit réformée en profondeur dès maintenant.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

Michèle Rivasi et David Cormand

Co-président·e de la délégation Europe Écologie au Parlement européen

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