Manifestation de la FNSEA contre la PAC : un coup de com’ sans fondement
La FNSEA et les JA (Jeunes agriculteur.trice.s lié.e.s à la FNSEA) appellent leurs membres de la région Est à une démonstration de force à Strasbourg le vendredi 30 avril, à l’image de l’opération escargot menée à Paris début avril. La raison du mécontentement exprimé à cette occasion : leur opposition à certaines dispositions du projet de réforme de la PAC qui entre en phase finale de négociation au niveau européen. Leurs méthodes spectaculaires ne doivent pas faire oublier qu’ils ne parlent pas au nom de l’ensemble de la profession et que le texte incriminé dénoncé par les écologistes depuis longtemps a été largement rédigé par leurs représentant.e.s européen.ne.s.Réaction de Claude GRUFFAT, Marie TOUSSAINT et Benoît BITEAU.
Déclaration de Benoît Biteau, eurodéputé écologiste, membre de la Commission des affaires agricoles du Parlement européen
“Que la FNSEA, les JA et tous les partenaires de l’agro-industrie se rassurent, la nouvelle PAC continuera d’enrichir ceux qui pratiquent une agriculture qui a massivement recours aux engrais et pesticides de synthèse et qui ne se préoccupent pas d’atténuer le dérèglement climatique. Cette manifestation est soit le fruit d’une ignorance du contenu de la PAC, soit une entreprise d’une hypocrisie aussi rare que scandaleuse ! A leur décharge, il faut bien admettre que le gouvernement brouille les pistes entre annonces de virage écologique dans les médias et défense du statu quo dans le huis clos des trilogues sur la PAC.”
Déclaration de Marie Toussaint, eurodéputée écologiste, membre de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen
« Le projet de réforme actuel de la PAC institutionnalise la destruction de la planète par voie agricole. Il est urgent de changer de modèle. L’approche choisie pour nourrir l’Europe et le monde pendant des décennies a eu des conséquences néfastes sur les communs naturels que sont l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, les sols qui nous nourrissent, la biodiversité et le climat…
Ce modèle a aussi mis les paysans à genoux, les empêche de vivre leur vie correctement. L’Union européenne est sur le point de rater une occasion historique de changer de modèle et de permettre aux paysannes et aux paysans de gagner correctement leur vie tout en protégeant les communs naturels. Au-delà des belles formules habituelles de Monsieur Macron, nous demandons des actes. »
Déclaration de Claude Gruffat, eurodéputé écologiste, membre de la Commission des affaires agricoles du Parlement européen
“Contrairement à ce que laisse croire la FNSEA, les grands oubliés de cette réforme sont les agriculteurs bio qui vont perdre jusqu’à 132€/Ha/an. Une injustice alors qu’aujourd’hui, la bio ne bénéficie que de 1,8% de l’enveloppe globale PAC pour 8,5% des surfaces cultivées dans l’UE. L’Union européenne s’est fixée l’objectif de 25% des surfaces agricoles en bio en 2030. Mais le lobbying des représentants de la FNSEA a fonctionné et a sapé toute incitation à être en bio en refusant que la PAC valorise les bienfaits environnementaux rendus par ce modèle agronomique. L’agro-industrie, qui ruine les paysans et les écosystèmes, veut continuer à monopoliser les aides publiques.“
Pourquoi les revendications de la manifestation de la FNSEA le 30 avril nous semblent très discutables ?
- Sur l’opposition de la FNSEA à la réforme de la PAC en cours
Les eurodéputé·e·s écologistes français.e.s (ainsi que les ONGs environnementales) sont surpris que la FNSEA manifeste contre cette réforme européenne sur laquelle sa représentation de lobbying à Bruxelles (le COPA) aussi présidée en ce moment par sa dirigeante, Mme Christiane Lambert, se fait très discrète, signe probablement que cette réforme est à sa convenance. Cette réforme très conservatrice ne réoriente pas fondamentalement cette politique publique, pourtant en perte de confiance auprès des agriculteurs et surtout de l’ensemble des citoyens qui participent à son financement. - Sur les rotations de cultures obligatoires qui pénaliseraient l’alimentation du bétail (moins de maïs)
La production de maïs fourrager n’est pas irremplaçable d’autant que cette culture a besoin de beaucoup d’engrais, de pesticides et d’irrigation. Les éleveurs qui plantent du maïs doivent équilibrer l’alimentation de leurs vaches avec du soja importé contenant des OGM. Les systèmes herbagers ont fait leurs preuves. Ils sont très performants sur le plan économique et environnemental. Ils sont aussi très intéressants dans le renforcement de l’autonomie alimentaire des élevages (luzerne, trèfle, méteils …).
La rotation des cultures n’empêche en aucun cas de produire du maïs pour nourrir le bétail. Ca empêche juste la monoculture de mais. Soit la version la plus intensive de la culture de maïs, la moins en lien avec l’élevage (car menée par des fermes qui n’ont pas d’animaux contrairement à de la culture de maïs en rotation avec d’autres cultures dont des prairies menées par les éleveurs). Donc oui bien sûr, l’idéal c’est moins de maïs dans l’alimentation animale, mais il est uniquement question de mettre un frein à la monoculture, on ne s’attaque donc qu’à ceux qui sont vraiment au niveau 0 de l’agroécologie. - Sur les contraintes soi-disant intenables des éco-régimes de la nouvelle PAC pour les agriculteurs
D’après les chiffres du ministère, 30% des agriculteurs n’auraient pas accès en l’état aux l’éco-régime, mais parmi eux, quasiment tous y auraient accès grâce à des changements minimes de pratiques. On est bien loin de l’affirmation selon laquelle 50% des agriculteurs n’y auraient pas accès tout court. C’est un récit fabriqué par la FNSEA au scénario d’ailleurs variable puisque récemment encore ils annonçaient 75% des agriculteurs exclus de l’éco-régime avant de redescendre. - Sur la “convergence” qui ruinerait l’agriculture alsacienne
La valeur des droits à paiement de base de la PAC (DPB) en Alsace est au-dessus de la moyenne nationale (219€/ha en moyenne France, contre 252 dans le Bas-Rhin). Alors oui, certains territoires vont perdre à la convergence interne, qui a pour but d’harmoniser la valeur des DPB partout en France. Pas parce que ce sont des fermes diversifiées de taille modeste, mais parce qu’historiquement ils font beaucoup de maïs irrigué et que c’est sur cette base là qu’un beau jour ont été décidées les valeurs des DPB. Aujourd’hui c’est une référence caduque qui ne se justifie plus. Notons enfin que si le Bas-Rhin va bien perdre à la convergence interne, le Haut-Rhin lui ne va quasiment pas être impact
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