Pourquoi défendre un statut européen des lanceurs d’alerte
Sans le courage de citoyens prêts à se mettre en danger pour l’intérêt collectif, nombre de scandales récents n’auraient jamais éclaté. C’est pourquoi nous œuvrons, au niveau européen, à leur garantir une protection juridique adéquate.
Dans un monde où la transparence est loin d’être la norme, l’opacité fonctionne souvent comme un outil permettant à certains d’agir, impunément, à l’encontre de l’intérêt public.
Ainsi, de l’affaire du Médiator au scandale des barbaries commises dans des abattoirs en France, des techniques d’écoute de la NSA aux crimes sexuels commis par des soldats français en Centrafrique en passant par le blanchiment d’argent révélés par les Panama Papers, tous ces scandales demeureraient inconnus et pourraient ainsi perdurer sans le courage et la détermination de femmes et d’hommes décidé-e-s un jour, en conscience, à parler.
Or, en l’absence de protection juridique, en l’absence d’un véritable statut, la grande majorité des lanceurs d’alerte potentiels choisissent bien souvent de se taire, découragés par les risques encourus. Et quand ils décident de parler, le plus souvent au péril de leur travail, de leur réputation et de leur vie privée, ils se retrouvent le plus souvent sur le banc des accusés, alors même que les organisations ou personnes qu’ils ont dénoncées ne sont pas inquiétées.
Une situation inique et inacceptable que nous voulons régler.
Parce que nous pensons que l’intérêt public doit toujours primer sur les intérêts privés, que la confidentialité d’informations ne devrait jamais pouvoir être utilisée pour masquer des atteintes à l’intérêt général, que la protection de la liberté d’information et d’expression est une des missions fondamentales des autorités publiques et qu’il existe bien, au-delà de la somme des intérêts nationaux, un intérêt public européen, nous défendons la mise en place d’un statut européen des lanceurs d’alerte.
Quelle position défendons-nous dans ce dossier ?
– Un des premiers points que nous défendons est que la protection des lanceurs d’alerte devrait être accordée à tous les individus qui révèlent des informations d’intérêt public y compris d’intérêt public européen, quelque soit la manière dont ils ont eu connaissance de ces informations et quelque soit le moyen qu’ils aient choisi pour les révéler.
– Nous défendons aussi l’idée que tous les secteurs devraient être couverts, qu’il s’agisse du public ou du privé et que toute information d’intérêt public, qu’elle concerne ou non un fait illégal, devrait pouvoir être reportée.
– Par ailleurs, si nous soutenons l’idée que des mécanismes de divulgation internes devraient être mis à la disposition des lanceurs d’alerte, peu de personnes ayant comme volonté première de s’étendre dans la presse, nous tenons à ce que les lanceurs d’alerte soient libres de choisir le moyen par lequel ils révèlent des informations d’intérêt public.
– Évidemment, nous considérons que dès lors qu’un personne remplit les conditions du lanceur d’alerte, elle devrait être juridiquement protégée, ainsi que toute personne qui l’aurait aidée à lancer l’alerte. Cela signifie que ces personnes ne pourraient plus faire l’objet de poursuite civile ni pénale et que leurs employeurs seraient sanctionnés en cas de représailles, ainsi que toute personne qui tenterait d’entraver l’alerte.
– Selon nous, des organismes indépendants chargés de réceptionner les alertes et d’apporter des conseils juridique aux lanceurs d’alerte devraient être crées dans tous les Etats-membres et au niveau européen.
– Enfin, afin que les femmes et les hommes qui détiennent des informations d’intérêt public et qui souhaitent parler se décident à le faire, nous défendons l’idée que toute alerte devrait faire l’objet d’un suivi adéquat.
Quelles sont les étapes à venir?
En mai 2016, juste après le vote de la directive de la directive sur le secret des affaires au Parlement européen, directive qui donne un outil supplémentaire à tous ceux qui veulent user de la confidentialité pour masquer des atteintes à l’intérêt général, les écologistes avaient présenté publiquement une proposition de directive instaurant un statut européen pour les lanceurs d’alerte.
Cette proposition visait à démontrer qu’il n’était pas, contrairement à ce que disait la Commission européenne, juridiquement impossible de rédiger une telle directive.
Depuis, le Parlement dans son ensemble, à l’occasion de différents rapports, ainsi que les autres institutions européennes, se sont emparés de ce dossier. J.C Juncker, Président de la Commission européenne, a ainsi promis plusieurs fois des avancées concrètes sur le sujet et même le Conseil des ministres, à l’occasion d’une réunion sur la question fiscale, a déclaré qu’une protection européenne était nécessaire.
Du côté du Parlement européen, la Commission des affaires juridiques a adopté lundi 2 octobre un rapport sur la protection des lanceurs d’alerte. Ce rapport, qui devra ensuite être voté durant la deuxième session plénière d’octobre et au sein duquel nous avons fermement défendu nos positions, constituera alors la position officielle du Parlement européen.
La Commission européenne a de son côté promis une proposition législative pour début 2018 et c’est à partir de ce texte que nous pourrons enfin concrètement commencer à légiférer.
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