
RDC-Rwanda : la justice sacrifiée au profit de l’accaparement des ressources
Au lendemain du 65e anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo, il est indispensable de s’interroger sur la portée réelle de « l’accord de paix » signé à Washington entre la RDC et le Rwanda, sous l’égide de Donald Trump.
Si toute initiative en faveur de la paix est, en principe, à saluer – surtout dans une région ravagée depuis près de 30 ans par les conflits –, nous devons impérativement faire preuve de lucidité et de vigilance. Car derrière les promesses de paix et de stabilité se cache une entreprise de dépossession et d’accaparement des ressources congolaises.
En se présentant comme médiateur, Donald Trump poursuit en réalité la même logique impérialiste qu’en Ukraine : instrumentaliser une situation géopolitique tragique pour satisfaire les intérêts économiques des États-Unis. Il l’a d’ailleurs reconnu lui-même, se félicitant que les États-Unis aient obtenu « une grande partie des droits miniers de la République démocratique du Congo ». Cet accord ne garantit pas une paix durable : il garantit la mainmise étrangère sur les ressources stratégiques congolaises.
Pire encore, l’accord ne reconnaît même pas la responsabilité du Rwanda dans le conflit, alors que Kigali est à l’origine de cette guerre d’agression. Le retrait des troupes rwandaises des territoires occupés n’est pas exigé ; au contraire, leur présence est légitimée au prétexte de lutter contre le groupe armé des FDLR. En instituant une « cogestion des ressources minières » entre Kigali et Kinshasa, l’accord organise l’exportation massive de minerais congolais vers le Rwanda, où ils seront transformés, privant ainsi la RDC de la valeur ajoutée de ses propres richesses. Il ne s’agit, ni plus ni moins, que de l’institutionnalisation du pillage systématique des ressources congolaises qu’opérait déjà le Rwanda avec l’aide du M23.
Aucune réforme n’est demandée à la RDC, que ce soit en matière de sécurité, d’organisation des forces armées, de justice ou de lutte contre la corruption. Au lieu de cela, l’accord continue d’envisager l’intégration de combattants aux forces de sécurité congolaises. Les victimes continueront donc à voir leurs bourreaux être blanchis.
Le peuple congolais ne mérite pas cet accord de façade. Après près de 30 ans de conflits, sont droit le plus entier est celui d’une paix juste, fondée sur le respect de sa souveraineté, la justice et la réparation. Seuls les mécanismes de justice transitionnelle permettront la réconciliation en RDC et dans la région des Grands Lacs.
C’est pourquoi toute solution de paix durable doit s’appuyer sur deux piliers essentiels :
- La mise en œuvre des recommandations du rapport Mapping des Nations unies, publié il y a 15 ans, documentant de graves violations des droits humains et recommandant un certain nombre de réformes, notamment dans le secteur de la sécurité et de la justice ;
- Et l’application effective des engagements contenus dans l’accord-cadre d’Addis-Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération.
L’Union européenne aurait dû jouer un rôle moteur dans le processus de paix en incarnant une voie alternative : celle de la justice, de la préservation des droits et des intérêts du peuple congolais. Les richesses du sol congolais doivent avant tout bénéficier à sa population, aux communautés locales et au développement du pays. L’appétit vorace des puissances extérieures doit être combattu.
L’heure n’est plus aux arrangements géopolitiques opaques. Elle est à la justice, à la vérité et à la solidarité avec le peuple congolais.
Mounir Satouri
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