Requins mako en danger : réponse de la Commission européenne
Contexte :
En 2021, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) a mis à jour sa Liste Rouge, et le constat est alarmant : 37% des espèces de requins et de raies sont menacées d’extinction en raison de la surpêche. Le requin mako fait partie des espèces les plus menacées en raison de sa grande valeur commerciale, de sa vulnérabilité à la surpêche et de son très faible taux de reproduction. L’espèce est donc classée “en danger” et risque de s’effondrer complètement.
En mai 2021, avec 40 députés européens, j’ai écrit au commissaire à l’environnement, aux océans et à la pêche, Virginijus Sinkevičius, pour demander à la Commission européenne de soutenir une interdiction immédiate par La commission Internationale pour la conservation des thons atlantiques (CICTA) de la rétention des requins makos de l’Atlantique Nord, sans exception, conformément à l’avis des scientifiques de la CICTA et des experts CITES de l’UE.
La gestion des pêches et les mesures de conservation des requins mako sont décidées au niveau sub-régional. Malheureusement, les négociations entre les États qui font partie de la CICTA ne progressent pas.
La réponse de la Commission européenne en bref
Quelques mois après notre lettre commune, la Commission européenne s’oppose toujours à une interdiction totale de la rétention du requin mako, à rebours de certains États comme le Canada, le Gabon, le Royaume-Uni ou le Sénégal.
La Commission européenne pense qu’une interdiction de rétention « serait une approche trop simpliste et inefficace » et soutient d’autres mesures (une interdiction de rétention des requins capturés vivants, une limite globale de capture de 500 tonnes, des mesures d’atténuation des prises accessoires…).
Selon la Commission européenne, pourquoi une interdiction de rétention serait-elle une « approche trop simpliste et inefficace » ?
- En substance, selon la Commission, « une telle approche [une interdiction totale de la rétention] ne permet pas de traiter la question centrale, à savoir la nécessité de réduire la mortalité des captures accidentelles de requins makos lors du ciblage d’autres espèces […]”. Toujours selon la Commission, “l’un des principaux arguments invoqué par les partisans d’une interdiction totale de la rétention se base sur l’existence supposée d’une incitation pour les pêcheurs à cibler ces requins en raison de leur valeur commerciale élevée ».
- La Commission « continue de penser qu’une interdiction totale de rétention envoie un message indiquant qu’il n’y a plus de problème”, mais également “qu’il n’y a aucun bénéfice en terme de conservation à rejeter des poissons déjà morts ».
- Par ailleurs, la commission indique que « dans son rapport de 2019, le SCRS a rendu un certain nombre de conclusions basées sur les projections préparées à partir d’une série de scénarios de TAC. Ces projections ont établi que des TAC de 700 t, 500 t et 300 t permettraient de mettre fin immédiatement à la surpêche et de contribuer à la reconstitution du stock, et donc qu’un TAC de 0 tonnes n’est pas la seule option qui permettrait de répondre aux objectifs de la convention CICTA et de la Politique Commune de la Pêche. »
Que propose la Commission européenne ?
- La Commission estime que « les besoins urgents de conservation exigent qu’aucun poisson ne soit délibérément tué ». C’est pourquoi l’UE a proposé « une interdiction de conserver tous les poissons capturés vivants ».
- Une limite globale de capture de 500 tonnes, « ce qui, selon l’avis du SCRS, mettrait fin à la surpêche en un an ».
- En plus de proposer une interdiction de conserver tous les poissons capturés vivants, le commissaire estime « que la réduction de la mortalité nécessitera une approche plus globale, notamment l’évitement par les flottes des zones de concentration connue de ces requins, et lorsque les captures ne peuvent être évitées, une amélioration de la manipulation manuelle des requins afin d’augmenter leur survie après la remise à l’eau. »
La Commission européenne doit changer sa position !
Pour ma part, je ne suis pas en accord avec la position de la Commission et je reste en faveur d’une protection réelle et claire du requin mako : une interdiction totale de la rétention sans exception, accompagnée de mesures complémentaires telles qu’une amélioration des manipulations manuelles des requins à bord des navires, davantage d’observateurs embarqués, ou des changements techniques sur les engins de pêche.
Le commissaire part du principe que le requin mako n’est capturé que de manière accidentelle. Or, il s’avère que des navires battant pavillon d’un État membre de l’UE capturent et gardent à bord un nombre excessif de requins makos juvéniles, qui sont ensuite vendus pour leur viande et leurs ailerons.
Contrairement à la mesure proposée par la Commission – interdisant la rétention de tous les requins capturés vivants – nous pensons que l’adoption d’une interdiction de rétention enverrait un message clair aux pêcheurs sur les risques pour cette espèce clé et les écosystèmes marins.
Malheureusement, mettre fin immédiatement à la surpêche ne signifie pas que le stock de requins Mako se reconstituera immédiatement. Le requin mako se caractérise par un taux de reproduction très faible et des caractéristiques biologiques vulnérables, ce qui signifie que la reconstitution de la population prendra des décennies. Selon l’avis le plus récent de la CICTA, un TAC de 500 tonnes par an, tel que proposé par la Commission, permettrait avec une probabilité de 52% (seulement) une reconstitution du stock d’ici 2070 !
La position finale de l’UE sera définie cet automne, en amont de la prochaine réunion de la Commission de la CICTA (15-22 novembre 2021). Je suivrai ces discussions de près et me réjouis de continuer à avoir des échanges constructifs avec la Commission européenne et les différents États membres.
2021 est l’année de la biodiversité : nous devons suivre la science et #MakeOrBreak4Makos.
Lire la réponse du Commissaire Sinkevičius:
Reply letter from the commissioner
Photo : © Charles Hood
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